E-Book, Französisch, 148 Seiten
Pergaud Le Roman de Miraut - Chien de chasse
1. Auflage 2015
ISBN: 978-963-526-058-4
Verlag: Booklassic
Format: EPUB
Kopierschutz: 0 - No protection
E-Book, Französisch, 148 Seiten
ISBN: 978-963-526-058-4
Verlag: Booklassic
Format: EPUB
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Ce livre raconte l'émouvante histoire d'un chien, Miraut, et de ses maîtres. Donné a des paysans, il devient tueur de poules et braconnier. On s'en débarrasse en le vendant. Mais il revient toujours pres de son ancien maître. Quand il comprend qu'on ne veut plus de lui, il hurle de faim et de douleur dans les bois, pendant que l'homme et la femme tremblent en silence dans leur maison... Un grand roman, inoubliable, indispensable a tous ceux qui aiment les animaux.
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Chapitre 2
La Mique, qui avait été élevée jadis en même temps que le vieux Taïaut, fit bon accueil au petit chien. Affamé et las, le jeune Miraut, dès qu’il eut mangé une petite terrine de soupe trempée avec de l’eau de vaisselle, de la relavure, comme disait la Guélotte, vint flairer de son mufle encore épais les petits chats endormis. Sensible à la douce chaleur du poêle et de ces deux êtres aux corps vigoureux et sains, dont il n’avait aucune raison de se méfier, il se coucha sans hésiter à côté d’eux et s’endormit. La maman chatte, curieuse de ce nouvel arrivant qu’elle ne connaissait point encore, s’était levée sur ses quatre pattes, et, le cou tendu, les yeux ronds, avait suivi avec un immense intérêt ses évolutions par la pièce. Le geste de confiance qu’il eut en s’étendant auprès des chatons lui fut sans doute sensible : elle augura bien de sa jeunesse ; sa maternité généreuse pouvait s’étendre à celui-là qui, robuste et plus gros que les jeunes minets, ne leur voulait cependant pas de mal. Elle savait ce qu’il était, elle connaissait sa race, elle l’adopta. Légère, elle sauta de son canapé et s’approcha du trio de bêtes dormant en tas. La langue râpeuse lécha tour à tour Mitis et Moute, ses enfants, puis à deux ou trois reprises, après l’avoir bien flairé, elle lécha de même les poils du crâne du jeune toutou qui ne se réveilla point pour autant et continua de reposer en paix entre ses deux frères adoptifs. Là-dessus, Mique fit un brin de toilette, lustra son pelage velouté, puis tranquille, calme et rassurée sur sa géniture, elle fila par les chatières pour sa chasse nocturne à l’écurie, à la grange et dans les hangars de la maison. Lisée mangea à même dans la soupière la potée de soupe aux choux que sa femme avait tenue au chaud, s’octroya sur un chanteau de pain d’une livre un respectable bout de lard, ingurgita un demi-pot de piquette et, l’estomac satisfait et la tête lourde, se déshabilla puis se jeta sur le lit où, l’instant d’après, ronflant comme un soufflet crevé, inaccessible au remords, il reposait du sommeil des justes. Cependant, furieuse, la Guélotte était montée se coucher seule dans le lit de la chambre haute. Au réveil, la situation restait, naturellement, fort tendue. Lisée, décuité, éprouvait bien une certaine gêne d’avoir agi sans consulter sa femme ; sacrifier ainsi l’argent d’un cochon, c’était évidemment osé, enfin ! … d’autant plus que rien ne le pressait de se reprocurer un fusil et un chien ! oh ! quoique ! … Et puis, zut ! il fallait tout de même, un jour ou l’autre, qu’il retrouvât l’argent nécessaire à ce rachat indispensable. Donc, un peu plus tôt ou un peu plus tard ! … Tout de même, il avait bu pas mal la veille et il se sentait fautif. La Guélotte se chargea de dissiper ses remords. Dès le premier coup de l’angélus, debout en même temps que ses poules, elle descendit et entra dans la chambre du poêle où Lisée, pour temporiser, fit semblant de dormir encore. Mais la façon dont elle ferma la porte et fit claquer ses sabots sur le plancher aurait réveillé un sourd. Lisée fut bien forcé d’ouvrir les yeux, mais ce faisant, il jugea bon de prendre un air digne et sévère pour en imposer à sa vieille. L’autre s’aperçut de sa mine renfrognée. Recommencer la scène de la veille, traiter son mari de cochon et de soulaud, elle y pensait bien, certes, mais elle savait que le chasseur avait la main leste ; elle n'ignorait pas que, les lendemains de bombe, il avait l’humeur peu accommodante et qu’elle risquait gros, si elle dépassait certaines limites qui n’avaient, hélas ! rien de fixe, de recevoir une ou deux bonnes paires de gifles, voire quelques coups de pied au derrière qui lui rappelleraient une fois de plus que braconnier comme charbonnier est maître en sa baraque, que c’est le mari qui est fait pour porter la culotte, et que l’homme, nom de Dieu ! c’est l’homme ! Elle se tourna donc contre Miraut, lequel, à vrai dire, prêtait quelque peu le flanc ou mieux le derrière à la critique, car, durant la nuit, pris de besoins pressants, il s’était soulagé abondamment et de toutes façons. Une borne odorante, et d’une taille magnifique pour un tel animal, se dressait devant le pied du buffet, et une superbe rigole, avec lacs, îlots et presqu’îles, s’allongeait du même buffet jusqu’à la porte de la cuisine. En contemplant ce désastre, toute la colère de la Guélotte lui remonta au cerveau et, au lieu de garder le calme boudeur et rancunier qui séait en l’occurrence, elle s’en prit violemment au chien qui avait fauté et à l’homme qui était le premier responsable dans cette sale affaire : – Tiens, regarde donc ce qu’elle a fait, ta rosse, et comment elle a arrangé mon ménage, ce sera bientôt une écurie ici ! Ce n’était pas assez de nous ôter le pain de la bouche pour l’acheter, il faut que tu le laisses encore tirer tout en bas par la maison. – Hein ! quoi ? fit Lisée, comme arraché à de graves réflexions. – C’est de ta viôce que je parle, ta sale charogne de chien ; ah ! je m'en vas te le balayer, moi, tu vas voir ! Et, s’élançant sur le coupable encore endormi, la matrone lui lança, à toute volée, son pied dans les côtes. « Boui ! boui ! vouaou ! » s’exclama plaintivement et en sautant de côté le petit chien, tandis que ses deux camarades chats, subitement réveillés eux aussi, faisaient leurs dos bossus, brandissaient leurs jeunes moustaches et juraient en montrant les dents, croyant que la patronne en voulait à toutes les bêtes de la chambrée. – Tu vois, renchérit la Guélotte, avec une mauvaise foi évidente, il épouvante encore mes petits chats. Pour sûr qu’ils vont quitter la maison et nous serons dévorés par les souris ! – Fous-moi la paix, nom de Dieu ! répliqua Lisée, révolté d'une telle injustice et de tant de lâcheté, et ne te venge pas sur une bête sans défense. S’il a pissé ici, c’est pas de sa faute, c’est de la tienne. Tu aurais dû laisser la porte de la cuisine entr’ouverte, il serait allé à l’écurie ou à la remise ; il ne peut pas passer par les chatières, lui. D’ailleurs, c’est une bête propre, on me l’a dit, et cette nuit je l’ai entendit pleurer : c’était sûrement pour qu’on lui ouvre … – Alors pourquoi ne l’as-tu pas fait ? – Pourquoi ? pourquoi ? est-ce que je me souvenais ? Et puis, si on te le demande, tu diras que tu n’en sais rien. Maintenant, continua-t-il en sautant du lit, rêche et menaçant, si tu as quelque chose à dire, sors-le, mais tâche que je t’y reprenne à toucher à mon chien quand il n’aura pas fait de mal. Une bête gentille et douce qui a dormi toute la nuit à côté des chats sans qu’il y ait eu entre eux la moindre histoire ! Et tu viens me dire que c’est lui qui les a épouvantés, comme si ce n’était pas toi, espèce de rosse, avec tes grognements de truie qu’on saigne. Recommence que je te dis ! recommence si tu as envie que je te « bredouche ». – Doux Jésus ! attesta la Guélotte, être fichue à la porte de chez soi par un chien ! Cochon ! marmonna-t-elle entre ses dents, va, tu me le paieras, et plus d’une fois ! Vers midi, comme Lisée et sa femme achevaient, sans dire mot, de manger leurs pommes de terre, un bruit de souliers ferrés cria sur le seuil et la porte de la cuisine s’ouvrit bruyamment. Les jeunes chats qui jouaient à coups de patte, couchés sur le canapé, s’arrêtèrent en arrondissant les quinquets, et Miraut, qui mangeait des épluchures derrière la chaise de son maître, dressa subitement son petit mufle. « Wrraou ! bou ! bou ! » s’exclama-t-il d’un ton cependant encore timide et incertain. – Qu’est-ce que j’entends ? interrogea Philomen, petit homme nerveux, sec, vif et prompt qui, comme il l’avait promis, venait voir le cochon annoncé. – Tiens, le voilà, le cochon, ragea la Guélotte en désignant de l’œil son mari. – T’as donc ramené un chien ? questionna le chasseur, en tordant du pouce et de l’index sa forte moustache blonde. Ben ! elle est bonne, celle-là. Il ne se gêne pas, le gaillard, il fait déjà le malin, on voit bien qu’il se sent chez lui. – Parbleu, elle est la maîtresse ici, cette viôce-là, reprit la femme. – On ne te demande pas la messe, à toi, coupa Lisée. Viens ici, viens, mon petit Miraut ! – Sacrédié, mais c’est un tout beau ! continua Philomen. – Et intelligent, renchérit Lisée. Je crois que ça fera un crâne chien ! C’est Pépé qui me l’a fait avoir. Il vient de la chienne du gros de Rocfontaine, une pure porcelaine qui a été couverte par un corniau, mais, tu sais, un bon corniau, un premier chien, un lanceur épatant. – Quand les corniaux se mêlent d’être bons, il n'y en a pas pour leur damer le pion. – Viens faire voir ta gueugueule, mon petit ! – oui, oui, une gueule noire, il est robuste ; les dents sont bien plantées, l’oreille est double, l’attache est nerveuse et il a l’os du crâne pointu, signe de race. – Et regarde-moi ce fouet ! ajouta Lisée ; hein, est-ce fin ! Ah ! oui, une belle bête. – Une belle robe...