Vallès | L'Enfant | E-Book | www.sack.de
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E-Book, Französisch, 350 Seiten

Vallès L'Enfant


1. Auflage 2020
ISBN: 978-2-322-25694-5
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark

E-Book, Französisch, 350 Seiten

ISBN: 978-2-322-25694-5
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
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Dans ce premier tome de la trilogie «Jacques Vingtras», Jules Vallès nous dévoile sa vie, de la petite enfance jusqu'à l'age de 17 ans, dans une famille faussement unie et aux multiples contradictions. D'origine paysanne, et ayant renié la terre, les parents de Jacques ne voient pas d'un bon oeil les rêves d'avenir de leur enfant: devenir paysan ou ouvrier...

Jules Vallès, né au Puy-en-Velay en Haute-Loire, le 11 juin 1832 et mort dans le 5e arrondissement de Paris le 14 février 1885, est un journaliste, écrivain et homme politique français d'extrême gauche. Fondateur du journal Le Cri du peuple, il fait partie des élus lors de la Commune de Paris en 1871.

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2. La famille
Deux tantes du côté de ma mère, la tante Rosalie et la tatan Mariou. On appelle cette dernière tatan ; je ne sais pourquoi, parce qu’elle est plus caressante peut-être. Je vois toujours son grand rire blanc et doux dans son visage brun : elle est maigre et assez gracieuse, elle est femme.   Ma tante Rosalie, son aînée, est énorme, un peu voûtée ; elle a l’air d’un chantre ; elle ressemble au père Jauchard, le boulanger, qui entonne les vêpres le dimanche et qui commence les cantiques quand on fait le Chemin de la croix. Elle est l’homme dans son ménage ; son mari, mon oncle Jean, ne compte pas : il se contente de gratter une petite verrue qui joue le grain de beauté dans son visage fripé, tiré, ridé. – J’ai remarqué, depuis, que beaucoup de paysans ont de ces figures-là, rusées, vieillottes, pointues ; ils ont du sang de théâtre ou de cour qui s’est égaré un soir de fête ou de comédie dans la grange ou l’auberge, ils sentent le cabotin, le ci-devant, le vieux noble, à travers les odeurs de l’étable à cochons et du fumier : ratatinés par leur origine, ils restent gringalets sous les grands soleils.   Le mari de la tatan Mariou, lui, est bien un bouvier ! Un beau laboureur blond, cinq pieds sept pouces, pas de barbe, mais des poils qui luisent sur son cou, un cou rond, gras, doré ; il a la peau couleur de paille, avec des yeux comme des bleuets et des lèvres comme des coquelicots ; il a toujours la chemise entrouverte, un gilet rayé jaune, et son grand chapeau à chenille tricolore ne le quitte jamais. J’ai vu comme cela des dieux des champs dans des paysages de peintres.   Deux tantes du côté de mon père.   Ma tante Mélie est muette, – avec cela bavarde, bavarde !   Ses yeux, son front, ses lèvres, ses mains, ses pieds, ses nerfs, ses muscles, sa chair, sa peau, tout chez elle remue, jase, interroge, répond ; elle vous harcèle de questions, elle demande des répliques ; ses prunelles se dilatent, s’éteignent ; ses joues se gonflent, se rentrent ; son nez saute ! elle vous touche ici, là, lentement, brusquement, pensivement, follement ; il n’y a pas moyen de finir la conversation. Il faut y être, avoir un signe pour chaque signe, un geste pour chaque geste, des réparties, du trait, regarder tantôt dans le ciel, tantôt à la cave, attraper sa pensée comme on peut, par la tête ou par la queue, en un mot, se donner tout entier, tandis qu’avec les commères qui ont une langue, on ne fait que prêter l’oreille : rien n’est bavard comme un sourd-muet.   Pauvre fille ! elle n’a pas trouvé à se marier. C’était certain, et elle vit avec peine du produit de son travail manuel ; non qu’elle manque de rien, à vrai dire, mais elle est coquette, la tante Amélie !   Il faut entendre son petit grognement, voir son geste, suivre ses yeux, quand elle essaye une coiffe ou un fichu. Elle a du goût : elle sait planter une rose au coin de son oreille morte, et trouver la couleur du ruban qui ira le mieux à son corsage, près de son cœur qui veut parler…   Grand-tante Agnès.   On l’appelle la « béate[1] ».   Il y a tout un monde de vieilles filles qu’on appelle de ce nom-là.   « M’man, qu’est-ce que ça veut dire, une béate ? »   Ma mère cherche une définition et n’en trouve pas ; elle parle de consécration à la Vierge, de vœux d’innocence.   « L’innocence. Ma grand-tante Agnès représente l’innocence ? C’est fait comme cela, l’innocence ! »   Elle a bien soixante-dix ans, et elle doit avoir les cheveux blancs ; je n’en sais rien, personne n’en sait rien, car elle a toujours un serre-tête noir qui lui colle comme du taffetas sur le crâne ; elle a, par exemple, la barbe grise, un bouquet de poils ici, une petite mèche qui frisotte par là, et de tous côtés des poireaux comme des groseilles, qui ont l’air de bouillir sur sa figure.   Pour mieux dire, sa tête rappelle, par le haut, à cause du serre-tête noir, une pomme de terre brûlée et, par le bas, une pomme de terre germée : j’en ai trouvé une gonflée, violette, l’autre matin, sous le fourneau, qui ressemblait à grand-tante Agnès comme deux gouttes d’eau.   « Vœux d’innocence. »   Ma mère fait si bien, s’explique si mal, que je commence à croire que c’est malpropre d’être béate, et qu’il leur manque quelque chose, ou qu’elles ont quelque chose de trop.   Béate ?   Elles sont quatre « béates » qui demeurent ensemble – pas toutes avec des poireaux couleur de feu sur une peau couleur de cendre, comme grand-tante Agnès, qui est coquette, mais toutes avec un brin de moustache ou un bout de favoris, une noix de côtelette, et l’inévitable serre-tête, l’emplâtre noir !   On m’y envoie de temps en temps.   C’est au fond d’une rue déserte, où l’herbe pousse.   Grand-tante Agnès est ma marraine, et elle adore son filleul.   Elle veut me faire son héritier, me laisser ce qu’elle a, – pas son serre-tête, j’espère.   Il paraît qu’elle garde quelques vieux sous dans un vieux bas, et quand on parle d’une voisine chez qui l’on a trouvé un sac d’écus dans le fond d’un pot à beurre, elle rit dans sa barbe.   Je ne m’amuse pas fort chez elle, en attendant qu’on trouve son pot à beurre !   Il fait noir dans cette grande pièce, espèce de grenier soutenu par des poutres qui ont l’air en vieux bouchon, tant elles sont piquées et moisies !   La fenêtre donne sur une cour, d’où monte une odeur de boue cuite.   Il n’y a que les rideaux de lit qui me plaisent, – ils suffisent à me distraire ; on y voit des bonshommes, des chiens, des arbres, un cochon ; ils sont peints en violet sur l’étoffe, c’est le même sujet répété cent fois. Mais je m’amuse à les regarder de tous les côtés, et je vois surtout toutes sortes de choses dans les rideaux de ma grand-tante, quand je mets ma tête entre mes jambes pour les regarder.   La chasse – c’est le sujet – me paraît de toutes les couleurs. Je crois bien ! Le sang me descend à la figure ; j’ai le cerveau comme un fond de barrique : c’est l’apoplexie ! Je suis forcé de retirer ma tête par les cheveux pour me relever, et de la replacer droit comme une bouteille en vidange.   On fait des prières à tout bout de champ : Amen ! Amen ! avant la rave et après l’œuf.   Les raves sont le fond du dîner qu’on m’offre quand je vais chez la béate ; on m’en donne une crue et une cuite.   Je racle la crue, qui semble mousser sous le couteau, et a sur la langue un goût de noisette et un froid de neige.   Je mords avec moins de plaisir dans celle qui est cuite au feu de la chaufferette que la tante tient toujours entre les jambes, et qui est le meuble indispensable des béates. – Huit jambes de béates : quatre chaufferettes – qui servent de boîte à fil en été, et dont elles tournent la braise avec leur clef en hiver.   Il y a de temps en temps un œuf.   On tire cet œuf d’un sac, comme un numéro de loterie et on le met à la coque, le malheureux ! C’est un véritable crime, un coquicide, car il y a toujours un petit poulet dedans.   Je mange ce fœtus avec reconnaissance, car on m’a dit que tout le monde n’en mange pas, que j’ai le bénéfice d’une rareté, mais sans entrain, car je n’aime pas l’avorton en mouillettes et le poulet à la petite cuiller.   En hiver, les béates travaillent à la boule : elles plantent une chandelle entre quatre globes pleins d’eau, ce qui donne une lueur blanche, courte et dure, avec des reflets d’or.   En été, elles portent leurs chaises dans la rue sur le pas de la porte, et les carreaux vont leur train.   Avec ses bandeaux verts, ses rubans roses, ses épingles à tête de perle, avec les fils qui semblent des traînées de bave d’argent sur un bouquet, avec ses airs de corsage riche, ses fuseaux bavards, le carreau est un petit monde de vie et de gaieté.   Il faut l’entendre babiller sur les genoux des dentellières, dans les rues de béates, les jours chauds, au seuil des maisons muettes. Un tapage de ruche ou de ruisseau, dès qu’elles sont seulement cinq ou six à travailler, – puis quand midi sonne, le silence !...   Les doigts s’arrêtent, les lèvres bougent, on dit la courte prière de l’Angelus. Quand celle qui la dit a fini, tous répondent mélancoliquement : Amen ! et les carreaux se remettent à bavarder…    Mon oncle Joseph, mon tonton comme je dis, est un paysan qui s’est fait ouvrier. Il a vingt-cinq ans, et il est fort comme un bœuf ; il ressemble à un joueur d’orgue ; la peau brune, de grands yeux, une bouche large, de belles dents ; la barbe très noire, un buisson de cheveux, un cou de matelot, des mains énormes toutes couvertes de verrues, – ces fameuses verrues qu’il gratte pendant la prière !   Il est compagnon du devoir, il a une grande canne avec de longs rubans, et il m’emmène quelquefois chez la Mère des menuisiers. On boit, on chante, on fait des tours de force ; il me prend par la ceinture,...



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