E-Book, Französisch, 128 Seiten
. Daphnis et Chloé
1. Auflage 2022
ISBN: 978-2-322-45970-4
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
E-Book, Französisch, 128 Seiten
ISBN: 978-2-322-45970-4
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
Daphnis a quinze ans et Chloé treize lorsque le dieu Amour, apparaissant à Lamon et Dryas en rêve, scelle des sentiments entre les deux enfants trouvés. Alors que Daphnis et Chloé gardent les troupeaux de leurs parents adoptifs, Daphnis tombe un jour dans un trou en poursuivant un bouc.
Longus (appelé parfois également Longos) est un auteur grec qui a probablement vécu au iie ou iiie siècle de notre ère, connu pour son roman Daphnis et Chloé.
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LIVRE SECOND
Etant jà l’automne en sa force et le temps des vendanges venu, chacun aux champs étoit en besogne à faire ses apprêts ; les uns racoutroient les pressoirs, les autres nettoyoient les jarres ; ceux-ci émouloient leurs serpettes, ceux-là se tissoient des paniers ; aucuns mettoient à point la meule à pressurer les raisins écrasés, d’autres apprêtoient l’osier sec dont on avoit ôté l’écorce à force de le battre, pour en faire flambeaux à tirer le moût pendant la nuit ; et à cette cause Daphnis et Chloé, cessant pour quelques jours de mener leurs bêtes aux champs, prêtoient à tels travaux l’œuvre et labeur de leurs mains. Il portoit lui la vendange dedans une hotte et la fouloit en la cuve, puis aidoit à remplir les jarres ; elle d’autre côté préparoit à manger aux vendangeurs, et leur versoit du vin de l’année précédente ; puis elle se mettoit à vendanger aussi les plus basses branches des vignes où elle pouvoit avenir. Car les vignes de Lesbos sont basses pour la plupart, au moins non élevées sur arbres fort hauts, et les branches en pendent jusque contre terre, s’étendant çà et là comme lierre, si qu’un enfant hors du maillot, par manière de dire, atteindroit aux grappes. Et comme la coutume est en telle fête de Bacchus, à la naissance du vin, on avoit appelé des champs de là entour bon nombre de femmes pour aider, lesquelles jetoient toutes les yeux sur Daphnis, et en le louant disoient qu’il étoit aussi beau que Bacchus ; et y en eut une d’elles, plus éveillée que les autres, qui le baisa, dont il fut bien aise mais non Chloé qui en avoit de la jalousie. Les hommes, d’autre part, dans les cuves et pressoirs, jetoient à Chloé plusieurs paroles à la traverse, et en la voyant trépignoient comme des Satyres à la vue de quelque Bacchante, disant que de bon cœur ils deviendroient moutons, pour être menés et gardés par telle bergère ; à quoi Chloé prenoit plaisir, mais Daphnis en avoit de l’ennui. Tellement que l’un et l’autre souhaitoient que les vendanges fussent bientôt finies, pour pouvoir retourner aux champs en la manière accoutumée, et, au lieu du bruit et des cris de ces vendangeurs, entendre le son de la flûte ou le bêlement des troupeaux. En peu de jours tout fut achevé, le raisin cueilli, la vendange foulée, le vin dans les jarres, si qu’il ne fut plus besoin d’en empêcher tant de gens ; au moyen de quoi ils recommencèrent à mener leurs bêtes aux champs comme devant, et portant aux Nymphes des grappes pendantes encore au sarment pour prémices de la vendange, les vinrent en grande joie honorer et saluer, de quoi faire ils n’avoient par le passé jamais été paresseux. Car et le matin dès que leurs troupeaux commençoient à paître, ils les venoient d’abord saluer, et le soir retournant de pâture, les alloient derechef adorer ; et jamais n’y alloient qu’ils ne leur portassent quelque offrande, tantôt des fleurs, tantôt des fruits, une fois de la ramée verte, et une autre fois quelque libation de lait ; dont puis après ils reçurent des déesses bien ample récompense. Mais pour lors ils folâtroient comme deux jeunes levrons, ils sautoient, ils flûtoient ensemble, ils chantoient, luttoient bras à bras l’un contre l’autre, à l’envi de leurs béliers et bouquins. Et ainsi comme ils s’ébattoient, survint un vieillard portant grosse cape de poil de chèvre, des sabots en ses pieds, panetière à son col, vieille aussi la panetière. Se séant auprès d’eux, il se prit à leur dire : « Le bon homme Philétas, enfants, c’est moi, qui jadis ai chanté maintes chansons à ces Nymphes, maintefois ai joué de la flûte à ce Dieu Pan que voici, grand troupeau de bœufs gouvernois avec la seule musique et m’en viens vers vous à cette heure, vous déclarer ce que j’ai vu et annoncer ce que j’ai ouï. » Un jardin est à moi, ouvrage de mes mains, que j’ai planté moi-même, affié, accoutré depuis le temps que pour ma vieillesse, je ne mène plus les bêtes aux champs. Toujours y a dans ce jardin tout ce qu’on y sauroit souhaiter selon la saison ; au printemps des roses, des lis, des violettes simples et doubles ; en été du pavot, des poires, des pommes de plusieurs espèces ; maintenant qu’il est automne, du raisin, des figues, des grenades, des myrtes verts ; et y viennent chaque matin à grandes volées toutes sortes d’oiseaux, les uns pour y trouver à repaître, les autres pour y chanter ; car il est couvert d’ombrage, arrosé de trois fontaines, et si épais planté d’arbres, que qui en ôteroit la muraille qui le clôt, on diroit à le voir que ce seroit un bois. Aujourd’hui environ midi, j’y ai vu un jeune garçonnet sous mes myrtes et grenadiers, qui tenoit en ses mains des grenades et des grains de myrte, blanc comme lait, rouge comme feu, poli et net comme ne venant que d’être lavé. Il étoit nu, il étoit seul, et se jouoit à cueillir de mes fruits comme si le verger eût été sien. Si m’en suis couru pour le tenir, crainte, comme il étoit frétillant et remuant, qu’il ne me rompît quelque arbuste, mais il m’est légèrement échappé des mains, tantôt se coulant entre les rosiers, tantôt se cachant sous les pavots, comme feroit un petit perdreau. J’ai autrefois eu bien affaire à courir après quelques chevreaux de lait, et souvent ai travaillé voulant attraper de jeunes veaux qui sautoient autour de leur mère ; mais ceci est tout autre chose, et n’est pas possible au monde de le prendre. Par quoi me trouvant bientôt las, comme vieux et ancien que je suis, et m’appuyant sur mon bâton, en prenant garde qu’il ne s’enfuît, je lui ai demandé à qui il étoit de nos voisins, et à quelle occasion il venoit ainsi cueillir les fruits du jardin d’autrui. Il ne m’a rien répondu ; mais s’approchant de moi, s’est pris à me sourire fort délicatement, en me jetant des grains de myrte, ce qui m’a, ne sais comment, amolli et attendri le cœur, de sorte que je n’ai plus su me courroucer à lui. Si l’ai prié de s’en venir à moi sans rien craindre, jurant par mes myrtes que je le laisserois aller quand il voudroit, avec des pommes et des grenades que je lui donnerois, et lui souffrirois prendre des fruits de mes arbres, et cueillir de mes fleurs autant comme il voudroit, pourvu qu’il me donnât un baiser seulement. Et adonc se prenant à rire avec une chère gaie, et bonne et gentille grace, m’a jeté une voix si aimable et si douce, que ni l’arondelle, ni le rossignol, ni le cygne, fût-il aussi vieux comme je suis, n’en sauroit jeter de pareille, disant : « Quant à moi, Philétas, ce ne me seroit point de peine de te baiser car j’aime plus être baisé que tu ne desires toi retourner en ta jeunesse : mais garde que ce que tu me demandes ne soit un don mal séant et peu convenable à ton âge, pour ce que ta vieillesse ne t’exemptera point de me vouloir poursuivre, quand tu m’auras une fois baisé ; et n’y a aigle ni faucon, ni autre oiseau de proie, tant ait-il l’aile vite et légère, qui me pût atteindre. Je ne suis point enfant, combien que j’en aie l’apparence ; mais suis plus ancien que Saturne, plus ancien même que tout le temps. Je te connois dès lors qu’étant en la fleur de ton âge, tu gardois en ce prochain pâtis un si beau et gras troupeau de vaches, et étois près de toi quand tu jouois de la flûte sous ces hêtres, amoureux d’Amaryllide. Mais tu ne me voyois pas, encore que je fusse avec ton amie, laquelle je t’ai enfin donnée, et tu en as eu de beaux enfants, qui maintenant sont bons laboureurs et bouviers ; et pour le présent je gouverne Daphnis et Chloé ; et après que je les ai le matin mis ensemble, je m’en viens en ton verger, là où je prends plaisir aux arbres et aux fleurs, et me lave en ces fontaines ; qui est la cause que toutes les plantes et les fleurs de ton jardin sont si belles à voir, pour ce que mon bain les arrose. Regarde si tu verras pas une branche d’arbre rompue, ton fruit aucunement abattu ou gâté, aucun pied d’herbe ou de fleur foulée, ni jamais tes fontaines troublées ; et te répute bien heureux de ce que toi seul entre les hommes, dans ta vieillesse, tu es encore bien voulu de cet enfant. Cela dit, il s’est enlevé sur les myrtes ne plus ne moins que feroit un petit rossignol, et sautelant de branche en branche par entre les feuilles, est enfin monté jusques à la cime. J’ai vu ses petites ailes, son petit arc et ses flèches en écharpe sur ses épaules, puis ai été tout ébahi que je n’ai plus vu ni ses flèches ni lui. Or, si je n’ai pour néant vécu tant d’années, et diminué de sens en avançant d’âge, mes enfants, je vous assure que vous êtes tous deux dévoués à l’Amour, et qu’Amour a soin de vous. » Ils furent aussi aises d’ouïr ce propos comme si on leur eût conté quelque belle et plaisante fable. Si lui demandèrent que c’étoit d’Amour ; s’il étoit oiseau ou enfant, et quel pouvoir il avoit. Adonc Philétas se prit derechef à leur dire : « Amour est un Dieu, mes enfants. Il est jeune, beau, a des ailes ; pourquoi il se plaît avec la jeunesse, cherche la beauté et ravit les ames, ayant plus de pouvoir que Jupiter même. Il règne sur les astres, sur les éléments, gouverne le monde, et conduit les autres Dieux comme vous avec la houlette menez vos chèvres et brebis. Les fleurs sont ouvrage d’Amour ; les plantes et les arbres sont de sa facture ; c’est par lui que les rivières coulent, et que les vents soufflent. J’ai vu les taureaux amoureux ; ils mugissoient ne plus ne moins que si le taon les eût piqués ; j’ai vu le bouquin aimer sa chèvre, et il la suivoit partout. Moi-même j’ai...