E-Book, Französisch, Band 3, 328 Seiten
Reihe: S.A.R.R.A.
Gruson Tuer Camus
1. Auflage 2024
ISBN: 978-2-490163-89-2
Verlag: Beta Publisher
Format: EPUB
Kopierschutz: Adobe DRM (»Systemvoraussetzungen)
E-Book, Französisch, Band 3, 328 Seiten
Reihe: S.A.R.R.A.
ISBN: 978-2-490163-89-2
Verlag: Beta Publisher
Format: EPUB
Kopierschutz: Adobe DRM (»Systemvoraussetzungen)
1940/2026 : quand Camus rencontre l'IA Soir du 11 novembre 1940. Albert Camus, alors journaliste pour Paris-Soir, séjourne à l'hôtel Madison à Paris. Il reçoit la visite imprévue de Sarah, étudiante inconnue et apeurée. La jeune fille se réfugie chez lui et lui apprend les événements inattendus en cours dans la capitale : au mépris de l'Occupant, un rassemblement de centaines de personnes vient d'avoir lieu Place de l'Étoile. La Gestapo sillonne déjà les rues pour traquer les manifestants. Tout au long de cette "nuit de toutes les nuits", une relation ambigüe se noue peu à peu entre eux et amène la jeune femme à lui révéler sa véritable nature et mission : nous sauver de l'extinction qui s'annonce en 2026. Et tout ne tient qu'en une question : Notre liberté a-t-elle plus de prix que notre survie ?
Spécialiste reconnu de l'intelligence artificielle et de ses enjeux éthiques, David GRUSON signe ici son troisième roman. Après S.A.R.R.A, une intelligence artificielle (2018) et S.A.R.R.A., une conscience artificielle (2020), salués comme "prophétiques" par la critique, il emmène le lecteur au bout de son voyage avec l'IA. De cette confrontation sur le fil du rasoir avec Albert Camus dépendra l'avenir de notre Humanité.
Autoren/Hrsg.
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Royat, Hôtel Saint-Mart, le 4 octobre 1940
Un cube. La pièce avait presque exactement la forme d’un cube. La forme m’avait surprise. Elle n’était pas commune pour un vestibule. J’attendais depuis un quart d’heure environ quand se fit entendre au dehors le croassement bruyant d’un corbeau. Je vis nettement l’assistante du général Drupal tressaillir. Elle jeta un coup d’œil inquiet au-dehors : la fenêtre donnait directement sur le parc des thermes. J’ai appris que le cours de la vie n’est pas linéaire. Des périodes mornes, passives. Et puis des coups d’accélérateur, des ruptures inattendues. Ce matin-là était particulier. Tout, au-dehors, semblait ressortir de la première catégorie : une chape de plomb paraissait s’être abattue sur ce bout de France de Vichy, à l’instar sans doute de ce qu’il restait du pays dans son ensemble. Tout respirait une moite lenteur, une grise et interminable déréliction. Un temps maussade et inerte pour des Temps vieux. Mais, dans cet espace-temps suspendu, ma vie connaissait, elle, une brusque accélération. Plus de trois mois s’étaient écoulés depuis ma première lettre de candidature. Deux mois depuis la deuxième. Quinze jours depuis la dernière. Puis, enfin, cet appel. Et ce rendez-vous. Le service du Maréchal s’était fait attendre. La porte du bureau du général était capitonnée d’un cuir rouge légèrement passé et craquelé. L’épaisseur considérable de l’ensemble n’empêchait cependant pas de percevoir les bruits de l’intérieur du bureau. Le chef du service « menées antinationales » était au téléphone et s’exprimait d’une voix forte. On pouvait même percevoir, de là où j’étais, les roulements d’un accent rocailleux d’un sud-ouest affleurant au Massif central, si ce n’était l’inverse. Albi ? Aurillac ? Je ne pus le déterminer dans l’instant. Mais, manifestement, rien n’était fait pour protéger absolument les conversations de mon futur interlocuteur. Comme si le plus dur était, en fait, de franchir le seuil du SMA. Peut-être même déjà d’en connaître l’une des adresses, voire l’existence. Le général ouvrit la porte prestement. Drupal avec une ronde jovialité, sans doute un peu trop forcée. — Entrez, Mademoiselle ! Venez donc ! [Albi, évidemment.] Tiens, asseyez-vous ici, de ce côté. On va se mettre autour de la petite table. On sera bien là. Effectivement, une petite table basse de réception était dressée en entrant à droite. Trois fauteuils autour d’elle. Au fond de la pièce, face à la porte, un imposant bureau. Le tout en Napoléon III. Et au-delà du meuble de travail encombré de parapheurs, une grande fenêtre donnant sur les toits du centre-ville. On eût dit la recréation ex nihilo du décor du bureau d’un préfet investi de la lourde – mais discontinue – charge de la gestion des affaires d’un inaccessible département rural. Moi restée debout à la gauche du premier des trois fauteuils — Général, merci de ce rendez-vous. Drupal, s’asseyant — Allons ! Allons ! Prenez place ! Et c’est à moi de vous remercier ! Les actes d’engagement pour la France ne sont pas si fréquents que ça en ce moment, vous savez. Surtout avec votre profil. Moi une intimidation lisible sur le visage — Souhaitez-vous que je vous rappelle les grandes lignes de mon parcours ? Drupal — Inutile. Nous sommes là pour être renseignés, vous savez. Nous avons fait le boulot depuis vos premières démarches. Alors, voilà, je vais être direct. Les temps sont ce qu’ils sont. Vous avez déjà une première formation solide. Donc on va faire simple. Vous aurez quinze jours d’instruction complémentaire pour vous familiariser avec les méthodes que nous mettons en place sur le terrain avec le BMA, notre Bureau des menées antinationales en région. Et puis nous vous testerons, au réel, sur une première mission. Moi — Très bien. Merci de cette marque de confiance. Drupal durcissant le ton — Elle se gagne. La confiance se gagne à l’usage, Mademoiselle. Et ne vous surexcitez pas trop, cette première tâche ne sera que de piètre ampleur. Moi — Je comprends. J’imagine qu’il est encore trop tôt pour évoquer le contenu de cette mission. Drupal — Non, non. Sinon vous ne seriez pas ici. Alors, voilà, vous allez être affectée en mission de conversion. Vous aurez à tourner l’une des cibles que nous avons identifiées pour infiltrer cette petite escouade de réfractaires à l’Ordre nouveau. Pour cette mission, son nom de code sera Gédéon. Nous avons reçu récemment du matériau sur lui. Moi — Du matériau, que voulez-vous dire ? Drupal — Nous avons été méfiants, au départ. Lors de la réception de la première enveloppe. Nous n’avions pas du tout le type dans notre viseur. Mais les éléments contenus étaient si précis… Des photos, des lettres… Et même un schéma établissant l’ensemble de ses connexions au sein de la nébuleuse bolchévique. Tout était si ordonné que nous avons pris ça pour un leurre. Mais le dossier s’est épaissi à la réception, quelques jours plus tard, des deuxième et troisième enveloppes. Donc on s’est renseignés… On a placé des leurres et des contre-leurres. Vous comprenez, des fois que les Boches nous joueraient un vilain tour pour nous faire sortir de notre doctrine d’action. Le terrain nous semble sûr maintenant. Nous avons même pu loger sa conjointe, en Algérie, puis à Lyon. Elle y était affairée aux préparatifs de leur mariage, vous voyez… Elle sera notre levier. Vous aurez bien sûr un état des lieux plus complet d’ici quelques jours. Moi — Pourquoi m’avoir choisie moi ? Drupal — Nous ne le sous-estimons pas. Vous verrez, tout indique qu’il est d’une intelligence rare. Et, en plus, il se pique d’être écrivain. De bas étage, certes. Mais il sait écrire. Il pige comme secrétaire de rédaction en ce moment. Donc c’est un gars plutôt fin qui peut nous voir venir. Mais il a un point faible. Moi — Lequel ? Drupal partant dans un éclat de rire rocailleux — Ah vous, alors ! On m’avait dit que vous étiez extraordinaire ! Mais ça dépasse l’entendement ! Ben voyons, le même que la plupart d’entre nous ! Les femmes, bon Dieu ! Les femmes ! Moi petit air renfrogné — Ah, je vois… Je vois… Drupal — Ce sera donc à vous de jouer, Mademoiselle. Vous nous montrerez de quoi vous êtes capable sur ce coup et on pourra, ensuite, passer à d’autres plans plus fendards. Le seul aspect un peu pimenté de cette mission, c’est que vous la mènerez en zone occupée. C’est aussi pour cela que l’on vous a sélectionnée, vous, qui n’avez encore aucun lien avec le service. Nous ne sommes pas censés le faire selon la convention d’armistice. Mais vous, vous passerez inaperçue sans difficulté. Ce sera du simple renseignement. Vous vous ennuierez, je crois. Même si, à Paris, on s’amuse bien par les temps qui courent. Moi soucieuse — Comment ça ? En zone occupée ? Drupal — Oui, c’est ce point précis qui nous amène à bouger rapidement. Le type est journaliste. À Paris-Soir, voyez-vous ? Moi — Oui, je vois bien. Une publication patriote, a priori. Drupal — Absolument ! C’est pour ça que nous sommes interpellés. [Drupal avait ajouté un « euh » sonore au milieu du mot qui donnait un musical « intéreupeulés ».] Toute la rédaction du journal a migré à Lyon après les événements. Et v’là-t’y pas que, dans le matériau reçu,...