Tolstoï | Hadji Mourad | E-Book | www.sack.de
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E-Book, Französisch, 159 Seiten

Tolstoï Hadji Mourad

Le dernier chef-d'oeuvre de Tolstoï
1. Auflage 2019
ISBN: 978-80-273-0223-9
Verlag: e-artnow
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark

Le dernier chef-d'oeuvre de Tolstoï

E-Book, Französisch, 159 Seiten

ISBN: 978-80-273-0223-9
Verlag: e-artnow
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark



Hadji-Mourat est un roman de Léon Tolstoï écrit entre 1896 et 1904, et paru à titre posthume en 1912. Son protagoniste est le chef avar Hadji Murad (1790-1852), un des opposants à la conquête russe du Caucase. Ce récit retrace les derniers mois de la vie de Hadji Murad à partir de sa reddition aux Russes. Tolstoï l'enrichit de détails sur son itinéraire de chef rebelle et de portraits remarquables de personnalités liées à son histoire telles que le tsar Nicolas Ier, les généraux russes en charge du front du Caucase, ainsi que son ennemi juré Chamil. L'?uvre fit l'objet de nombreuses coupures lors de sa première publication. En effet, les observations acerbes de Tolstoï (nourries de sa propre expérience d'officier subalterne dans le Caucase et en Crimée entre 1851 et 1856) sur la conduite des troupes russes dans le Caucase (officiers alcooliques, corrompus et joueurs, soldats mal entraînés...) ainsi que sur la personnalité de Nicolas Ier, dont le portrait en autocrate borné et satisfait de lui-même est saisissant, ne pouvaient échapper à la censure.

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II


Cette même nuit, trois soldats accompagnés d’un sous-officier quittaient la forteresse d’avant-garde, Vozdvijenskaia, sise à quinze verstes de l’aoul où Hadji Mourad passait la nuit, derrière les portes de Chahguirinsk. Les soldats étaient en pelisse courte de peau de mouton et bonnets de fourrure, leurs manteaux roulés en travers des épaules, et ils étaient chaussés de bottes montant au-dessus du genou, comme les portaient alors les soldats du Caucase.

Le fusil à l’épaule, ils marchèrent d’abord sur la route; au bout de cinq cents pas environ ils la quittèrent pour bifurquer sur leur droite. Ils avancèrent encore d’une vingtaine de pas, écrasant sous leurs bottes des feuilles sèches, puis s’arrêtèrent près d’un platane brisé dont on apercevait le tronc noir dans l’obscurité. C’était là, près de ce platane, qu’on envoyait ordinairement le guet. Les étoiles brillantes qui semblaient courir au-dessus de la cime des arbres pendant que les soldats marchaient dans la forêt, paraissaient maintenant immobiles entre les branches nues.

«Sacrebleu!» lança rageusement le sous-officier Panoff en ôtant de son épaule son long fusil armé de la baïonnette pour le poser dans un cliquetis contre le tronc de l’arbre. Les trois soldats firent de même.

«Ça y est! Je l’ai perdue! Grommela avec humeur Panoff. Je l’ai oubliée, ou perdue en route.

— Qu’est-ce que tu cherches? Demanda l’un des soldats d’un ton joyeux.

— J’ai perdu ma pipe, le diable sait où!

— Et le tuyau, tu l’as? Demanda la voix enjouée.

— Le tuyau? Le voilà.

— Alors enfonce-le dans la terre.

— Mais non! On ne va pas faire ça.

— Nous allons arranger cela en un tour de main.»

Il était normalement interdit au guet de fumer, mais celui-là n’était pas très rigoureux: c’était plutôt une garde d’avant-poste envoyée là afin que les montagnards ne pussent, comme ils l’avaient fait autrefois, avancer un canon et tirer sur la forteresse; aussi Panoff ne trouvait-il pas nécessaire de se priver du plaisir de fumer, et finit par acquiescer à la proposition joyeuse du soldat.

Celui-ci sortit de sa poche un couteau et se mit à creuser dans le sol un petit trou dont il tassa soigneusement toutes les irrégularités; puis il mit du tabac dans le trou, y ajusta le tuyau, et la pipe se trouva prête. Le briquet brilla, éclairant un instant le visage musclé du soldat couché sur le ventre. Un sifflement se fit entendre dans le tuyau et Panoff sentit l’odeur agréable du tabac.

«Ça y est? Fit-il, tandis que l’autre se relevait.

— Sans doute.

— Quel gaillard tu es, Avdéieff! Un inventeur, ma foi! Eh bien, à mon tour!»

Avdéieff s’écarta pour laisser la place à Panoff, et souffla la fumée. Panoff se coucha sur le ventre et, après avoir essuyé le tuyau avec sa manche, se mit à fumer. Quand il eut fini, la conversation s’engagea entre les soldats.

«On dit que notre capitaine a de nouveau piqué dans la caisse, commença l’un des soldats d’une voix traînante. Il a perdu au jeu.

— Il rendra, dit Panoff.

— Sans doute. C’est un brave officier, confirma Avdéieff.

— Bon, bon, grommela celui qui avait entamé la conversation. Mais selon moi, il faut que la compagnie lui en touche un mot. S’il a pris de l’argent, il faut qu’il dise combien et quand il le rendra.

— La compagnie prendra bien une décision, rétorqua Panoff.

— Ce qui est certain, c’est que la compagnie réagira, confirma Avdéieff.

— Il faut acheter de l’avoine, de nouvelles bottes pour le printemps; on a besoin d’argent, et comme il l’a pris…, insista le mécontent.

— La compagnie décidera, répéta Panoff. Ce n’est pas la première fois; il a pris et rendra.»

À cette époque, au Caucase, chaque compagnie confiait la gestion de ses affaires à ses élus. Elle recevait de l’argent du trésor, six roubles cinquante kopecks par homme, mais se nourrissait elle-même, plantait des choux, fauchait le foin, avait ses chariots et était fière de ses chevaux gras et bien nourris. Quant à l’argent de la compagnie, il se trouvait dans une caisse dont le commandant avait la clef – et il arrivait souvent que celui-ci fît des emprunts à la caisse. C’était précisément ce qui venait de se produire et qui faisait l’objet de la discussion.

Le soldat mécontent, Nikitine, voulait qu’on exigeât des comptes du capitaine, mais Panoff et Avdéieff ne jugeaient pas la chose nécessaire.

Après Panoff, ce fut au tour de Nikitine de fumer. Il mit sous lui son manteau et s’assit, adossé à l’arbre. Les soldats redevinrent silencieux. On n’entendait que le frôlement du vent, très haut au-dessus des têtes, sur la cime des arbres. Tout à coup, à travers ce doux bruissement, retentirent les hurlements, les cris, les pleurs, le rire du chacal.

«Ah! Le maudit! Comme il hurle! Dit Avdéieff.

— Il se moque de toi, à cause de ta gueule de travers», lança d’une voix aiguë de Petit-Russien le quatrième soldat.

De nouveau tout redevint calme; seul le vent agitait les branches des arbres, découvrant et masquant les étoiles.

«Dis donc, Antonitch, demanda soudain à Panoff le joyeux Avdéieff, est-ce qu’il t’arrive de t’ennuyer?

— Qu’est-ce que c’est que l’ennui? Répondit nonchalamment Panoff.

— Moi, il m’arrive de m’ennuyer tellement, tellement, qu’il me semble que je ne saurais même pas que faire de ma personne…

— Ah bon? Fit Panoff.

— L’argent que j’ai autrefois dépensé à boire, c’était à cause de l’ennui. Ça me saisit, ça me saisit, et je ne pense alors qu’à me soûler…

— Mais il arrive qu’après, ce soit encore pire.

— Oui, ça arrive, mais que peut-on y faire?

— Mais pourquoi t’ennuies-tu ainsi?

— Je crois que j’ai le mal du pays…

— Vraiment! La vie était-elle à ce point agréable chez toi?

— On n’était pas riches, mais on était à l’aise. C’était une bonne vie.»

Et Avdéieff se mit à raconter ce qu’il avait déjà raconté plusieurs fois au même Panoff: «Je me suis engagé de plein gré, à la place de mon frère. Il avait cinq enfants, tandis que moi je venais de me marier. C’est ma mère qui m’a supplié… Je me suis dit: au fond, qu’est-ce que ça peut me faire; et puis, ils me regretteront peut-être… Je suis allé trouver notre maître. C’est un bon maître… Et il m’a dit: Tu es un brave garçon, va! Et voilà, c’est comme ça que je me suis engagé pour mon frère.

— Félicitations! Fit Panoff.

— Oui, mais le croirais-tu, Antonitch, maintenant je m’ennuie. Et tout ça parce que je me suis engagé à la place de mon frère. Lui, maintenant, il vit comme un roi, et moi, voilà où j’en suis, je m’énerve. Et plus j’y songe, plus ça me tourmente. Évidemment c’est déjà un péché…»

Avdéieff se tut.

«Veux-tu encore fumer? Demanda-t-il.

— Je veux bien. Arrange-moi ça.»

Mais les soldats n’eurent pas le loisir de fumer. Pendant qu’Avdéieff se levait pour aller préparer de nouveau la pipe, on entendit, au milieu du bruit du vent, des pas sur la route.

Panoff saisit son fusil et poussa du pied Nikitine. Nikitine se leva et ramassa son manteau. Le troisième, Bondarenko, bondit également sur ses pieds: «Ah, mes amis, je faisais pourtant un si beau rêve!»

Avdéieff lui fit signe de se taire et les soldats dressèrent l’oreille. Des pas sourds, d’hommes non chaussés de bottes, s’approchaient. On entendit de plus en plus distinctement dans l’obscurité, le craquement des feuilles et des branches sèches, puis l’écho d’une conversation en cette langue particulière, gutturale, des Tchetchenz. Les soldats pouvaient maintenant distinguer entre les arbres deux ombres qui se déplaçaient. L’une d’elles était ramassée, l’autre plus allongée. Quand les ombres furent tout près des soldats, Panoff mit son fusil en joue, et ses deux camarades bondirent sur la route.

«Qui va là? Cria Panoff.

— Un Tchetchenz pacifique», déclara le plus petit. C’était Bata. «Fusil yok! Sabre yok! Dit-il en montrant ses mains vides. Il me faut arriver au prince!»

L’autre, de plus haute taille, restait près de son compagnon sans mot dire. Lui non plus n’avait pas d’armes.

«C’est un émissaire envoyé au colonel, expliqua Panoff à ses camarades.

— Prince Vorontzoff… Grand besoin de lui… Affaire importante…

— Bon, bon, on va t’y conduire», dit Panoff. Puis il s’adressa à Avdéieff: «Toi et Bondarenko, conduisez-les, et quand vous les aurez remis au planton de service, revenez ici. Mais prends garde, ajouta-t-il, ordonne-leur de marcher devant vous.

— Et ça, c’est quoi? Rétorqua Avdéieff, en faisant semblant de les embrocher avec la baïonnette ajustée au canon de son fusil. Je pique une fois et après je tire.

— Ça ne sert à rien si tu les transperces, observa Bondarenko.

— Allons, en route!»

Quand s’éteignit le bruit des pas des deux soldats qui accompagnaient les émissaires, Panoff et Nikitine regagnèrent leur poste.

«Le diable les emporte de s’amener en pleine nuit! Grommela Nikitine.

— Probablement une affaire urgente, dit Panoff....



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