E-Book, Französisch, 470 Seiten
Zola Une page d'amour
1. Auflage 2021
ISBN: 978-2-322-38291-0
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
un roman d'Emile Zola
E-Book, Französisch, 470 Seiten
ISBN: 978-2-322-38291-0
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
Une page d'amour est un roman d'Émile Zola publié en 1879, le huitième volume de la série Les Rougon-Macquart. L'héroïne est Hélène Grandjean, fille d'Ursule Macquart et du chapelier Mouret. À l'âge de dix-sept ans, elle épouse un nommé Grandjean avec qui elle a une fille, Jeanne, maladive et en proie à des « crises » régulières. La famille monte à Paris, où Grandjean meurt peu après son arrivée. Veuve d'un homme qu'elle n'a jamais vraiment aimé, Hélène est prise d'une passion violente pour le docteur Deberle, son voisin, qui l'a secourue lors d'une des crises de sa fille. Mais cette dernière éprouve pour sa mère une passion non moins violente : elle ne supporte pas de la voir sourire à d'autres enfants ou à d'autres hommes. Le jour où Hélène se donne à Deberle, Jeanne, qui avait tout pressenti, se met à sa fenêtre sous la pluie et contracte ce qu'on appelait alors une phtisie galopante (tuberculose), dont elle meurt trois semaines plus tard. Par la suite, Hélène épousera un nommé Rambaud, avec qui elle ira vivre à Marseille. Elle retournera tout de même, à la fin du roman, à Paris, où elle ne restera que quelques heures.Une page d'amour est l'un des romans les plus méconnus de la série, peut-être parce qu'on n'y rencontre pas, du moins en apparence, la violence souvent provocatrice des autres oeuvres. On y trouve pourtant une analyse de la passion amoureuse qui ne manque pas d'intérêt, et surtout une description très précise, à travers le personnage de Jeanne, des troubles psychologiques qui peuvent se développer chez une enfant lorsqu'elle entre dans la puberté. Bien entendu, les lois de l'hérédité, thème majeur de la série des Rougon-Macquart, ne sont pas oubliées. Du point de vue de l'hérédité telle que la conçoit Zola, Jeanne est en effet le personnage le plus intéressant de la série car elle a hérité à la fois de la faiblesse mentale de son aïeule Adélaïde Fouque et de la faiblesse physique de sa grand-mère Ursule qui était phtisique.
Émile Zola est un écrivain et journaliste français, né le 2 avril 1840 à Paris et mort le 29 septembre 1902 dans la même ville. Considéré comme le chef de file du naturalisme, c'est l'un des romanciers français les plus populaires, les plus publiés, traduits et commentés dans le monde entier. Ses romans ont connu de très nombreuses adaptations au cinéma et à la télévision.
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DEUXIÈME PARTIE
Chapitre I
Un matin, Hélène s’occupait à ranger sa petite bibliothèque, dont elle bouleversait les livres depuis quelques jours, lorsque Jeanne entra en sautant, en tapant des mains. – Maman, cria-t-elle, un soldat ! Un soldat ! – Quoi ? un soldat ? dit la jeune femme. Qu’est-ce que tu me veux, avec ton soldat ? Mais l’enfant était dans un de ses accès de folie joyeuse ; elle sautait plus fort, elle répétait : « Un soldat ! Un soldat ! » sans s’expliquer davantage. Alors, comme elle avait laissé la porte de la chambre ouverte, Hélène se leva, et elle fut toute surprise d’apercevoir un soldat, un petit soldat, dans l’antichambre. Rosalie était sortie ; Jeanne devait avoir joué sur le palier, malgré la défense formelle de sa mère. – Qu’est-ce que vous désirez, mon ami ? demanda Hélène. Le petit soldat, très troublé par l’apparition de cette dame, si belle et si blanche dans son peignoir garni de dentelle, frottait un pied sur le parquet, saluait, balbutiait précipitamment : – Pardon… excuse… Et il ne trouvait rien autre chose, il reculait jusqu’au mur, en traînant toujours les pieds. Ne pouvant aller plus loin, voyant que la dame attendait avec un sourire involontaire, il fouilla vivement dans sa poche droite, dont il tira un mouchoir bleu, un couteau et un morceau de pain. Il regardait chaque objet, l’engouffrait de nouveau. Puis, il passa à la poche gauche ; il y avait là un bout de corde, deux clous rouillés, des images enveloppées dans la moitié d’un journal. Il renfonça le tout, il tapa sur ses cuisses d’un air anxieux. Et il bégayait, ahuri : – Pardon… excuse… Mais, brusquement, il posa un doigt contre son nez, en éclatant d’un bon rire. L’imbécile ! il se souvenait. Il ôta deux boutons de sa capote, fouilla dans sa poitrine, où il enfonça le bras jusqu’au coude. Enfin, il sortit une lettre, qu’il secoua violemment, comme pour en enlever la poussière, avant de la remettre à Hélène. – Une lettre pour moi, vous êtes sûr ? dit celle-ci. L’enveloppe portait bien son nom et son adresse, d’une grosse écriture paysanne, avec des jambages qui se culbutaient comme des capucins de cartes. Et dès qu’elle fut parvenue à comprendre, arrêtée à chaque ligne par des tournures et une orthographe extraordinaires, elle eut un nouveau sourire. C’était une lettre de la tante de Rosalie, qui lui envoyait Zéphyrin Lacour, tombé au sort « malgré deux messes dites par monsieur le curé ». Alors, attendu que Zéphyrin était l’amoureux de Rosalie, elle priait Madame de permettre aux enfants de se voir le dimanche. Il y avait trois pages où cette demande revenait dans les mêmes termes, de plus en plus embrouillés, avec un effort constant de dire quelque chose qui n’était pas dit. Puis, avant de signer, la tante semblait avoir trouvé tout d’un coup, et elle avait écrit : « Monsieur le curé le permet », en écrasant sa plume au milieu d’un éclaboussement de pâtés. Hélène plia lentement la lettre. Tout en la déchiffrant, elle avait levé deux ou trois fois la tête, pour jeter un coup d’œil sur le soldat. Il était toujours collé contre le mur, et ses lèvres remuaient, il paraissait appuyer chaque phrase d’un léger mouvement du menton ; sans doute il savait la lettre par cœur. – Alors, c’est vous qui êtes Zéphyrin Lacour ? dit-elle. Il se mit à rire, il branla le cou. – Entrez, mon ami ; ne restez pas là. Il se décida à la suivre, mais il se tint debout près de la porte, pendant qu’Hélène s’asseyait. Elle l’avait mal vu, dans l’ombre de l’antichambre. Il devait avoir juste la taille de Rosalie ; un centimètre de moins, et il était réformé. Les cheveux roux, tondus très ras, sans un poil de barbe, il avait une face toute ronde, couverte de son, percée de deux yeux minces comme des trous de vrille. Sa capote neuve, trop grande pour lui, l’arrondissait encore ; et les jambes écartées dans son pantalon rouge, pendant qu’il balançait devant lui son képi à large visière, il était drôle et attendrissant, avec sa rondeur de petit bonhomme bêta, sentant le labour sous l’uniforme. Hélène voulut l’interroger, obtenir quelques renseignements. – Vous avez quitté la Beauce il y a huit jours ? – Oui, madame. – Et vous voilà à Paris. Vous n’en êtes pas fâché ? – Non, madame. Il s’enhardissait, il regardait dans la chambre, très impressionné par les tentures de velours bleu. – Rosalie n’est pas là, reprit Hélène ; mais elle va rentrer… Sa tante m’apprend que vous êtes son bon ami. Le petit soldat ne répondit pas ; il baissa la tête, en riant d’un air gauche, et se remit à gratter le tapis du bout de son pied. – Alors, vous devez l’épouser, quand vous sortirez du service ? continua la jeune femme. – Bien sûr, dit-il en devenant très rouge, bien sûr, c’est juré… Et, gagné par l’air bienveillant de la dame, tournant son képi entre ses doigts, il se décida à parler. – Oh ! il y a beau temps… Quand nous étions tout petiots, nous allions à la maraude ensemble. Nous avons joliment reçu des coups de gaule ; pour ça, c’est bien vrai… Il faut dire que les Lacour et les Pichon demeuraient dans la même traverse, côte à côte. Alors, n’est-ce pas ? la Rosalie et moi, nous avons été élevés quasiment à la même écuelle… Puis, tout son monde est mort. Sa tante Marguerite lui a donné la soupe. Mais elle, la mâtine, elle avait déjà des bras du tonnerre… Il s’arrêta, sentant qu’il s’enflammait, et il demanda d’une voix hésitante : – Peut-être bien qu’elle vous a conté tout ça ? – Oui, mais dites toujours, répondit Hélène qu’il amusait. – Enfin, reprit-il, elle était joliment forte, quoique pas plus grosse qu’une mauviette ; elle vous troussait la besogne, fallait voir ! Tenez, un jour, elle a allongé une tape à quelqu’un de ma connaissance, oh ! une tape ! J’en ai gardé le bras noir pendant huit jours… Oui, c’est venu comme ça. Dans le pays, tout le monde nous mariait ensemble. Alors, nous n’avions pas dix ans que nous nous sommes topé dans la main… Et ça tient, madame, ça tient… Il posait une main sur son cœur, en écartant les doigts. Hélène pourtant était redevenue grave. Cette idée d’introduire un soldat dans sa cuisine l’inquiétait. Monsieur le curé avait beau le permettre, elle trouvait cela un peu risqué. Dans les campagnes, on est fort libre, les amoureux vont bon train. Elle laissa voir ses craintes. Quand Zéphyrin eut compris, il pensa crever de rire ; mais il se retenait, par respect. – Oh ! madame, oh ! madame… On voit bien que vous ne la connaissez point. J’en ai reçu, des calottes !… Mon Dieu ! les garçons, ça aime à rire, n’est-ce pas ? Je la pinçais, des fois. Alors, elle se retournait, et v’lan ! en plein museau… C’est sa tante qui lui répétait : « Vois-tu, ma fille, ne te laisse pas chatouiller, ça ne porte pas chance. » Le curé aussi s’en mêlait, et c’est peut-être bien pour ça que notre amitié tient toujours… On devait nous marier après le tirage au sort. Puis, va te faire fiche ! les choses ont mal tourné. La Rosalie a dit qu’elle servirait à Paris pour s’amasser une dot en m’attendant… Et voilà, et voilà… Il se dandinait, passait son képi d’une main dans l’autre. Mais, comme Hélène gardait le silence, il crut comprendre qu’elle doutait de sa fidélité. Cela le blessa beaucoup. Il s’écria avec feu : – Vous pensez peut-être que je la tromperai ?… Puisque je vous dis que c’est juré ! Je l’épouserai,...