E-Book, Französisch, 277 Seiten
Bernède Mandrin
1. Auflage 2019
ISBN: 978-80-268-9994-5
Verlag: e-artnow
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
E-Book, Französisch, 277 Seiten
ISBN: 978-80-268-9994-5
Verlag: e-artnow
Format: EPUB
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Arthur Bernède racconte l'histoire de Mandrin, 'Un jeune paysan, à l'âme exaltée d'aventurier sans peur et sans scrupules, mais au c?ur généreux, allait lever l'étendard de la révolte, faisant bientôt trembler ces fermiers généraux, terreur des pauvres gens. Il se nommait Louis Mandrin... Voici sa tragique et véridique histoire, remplie d'exploits fabuleux, dont le souvenir est demeuré légendaire.' Arthur Bernède (1871 - 1937), est un romancier populaire français. Auteur très prolixe, il a créé plusieurs centaines de personnages romanesques, dont certains, devenus très célèbres, tels que Belphégor, Judex et Mandrin, ont effacé leur créateur. Il a également mis en scène Vidocq, inspiré par les exploits de ce chef de la Sûreté haut en couleurs. Il est également connu sous les noms de plume de Jean de la Périgne et de Roland d'Albret.
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Chapitre I : Les contrebandiers.
Par un beau jeudi de mai, vers dix heures du matin, la pittoresque localité de Beaujeu, accrochée au flanc des Alpes Dauphinoises, à quelques portées de fusil de la frontière savoyarde, était le théâtre d’une panique extraordinaire…
Des jeunes gens terrorisés traversaient en courant la grande place, faisant fuir devant eux des troupeaux d’oies qui agitaient éperdument les ailes… De vieux paysans cherchaient un refuge dans les auberges, dont les lourdes portes se refermaient avec fracas.
Un sacristain, l’air effaré, verrouillait promptement la porte de l’église… Des bergers se hâtaient de faire rentrer leurs bestiaux dans les écuries… Des femmes se sauvaient dans leurs maisons et s’y barricadaient avec leurs petits… Une pauvre vieille s’enfuyait sur ses béquilles, s’efforçant péniblement de regagner son modeste logis… Des gamins se terraient dans des buissons… et parmi les abois des chiens aux poils hérissés et aux gueules menaçantes, une rumeur montait d’un groupe de paysans, prudemment dissimulés derrière un mur, à l’entrée du pays.
La bande à Mandrin ! La bande à Mandrin.
Bientôt, une troupe de cavaliers coiffés jusqu’aux yeux de larges chapeaux couverts de poussière, armés jusqu’aux dents et encadrant plusieurs mulets chargés de ballots de tabac d’Espagne, débouchait sur la place déserte.
A leur tête un homme d’une trentaine d’années, monté sur un superbe cheval blanc… Très grand, musclé, son fier visage encadré d’une longue chevelure dont les boucles flottaient au vent, la taille entourée d’une ceinture de cuir, à laquelle pendait une immense rapière, et où s’accrochaient deux énormes pistolets, les yeux brillants d’une flamme révélatrice d’énergie indomptable et de volonté sans limites, — vêtu d’un habit de drap d’Elbeuf gris, d’une culotte de peau et de guêtres en ratine, coiffé, ainsi que ses compagnons, d’un grand feutre noir, dont l’aile était rabattue en visière, il semblait, malgré sa jeunesse, incarner cette force, cette autorité et cette expérience qui font reconnaître au premier coup d’œil un chef indiscutable et indiscuté.
— Halte ! commanda-t-il d’un ton impératif.
Tous obéirent avec une régularité militaire qui dénotait un esprit de discipline…
Sautant à terre, un des contrebandiers, qui portait un tambour, saisit ses baguettes et fit entendre une série de roulements plus joyeux que menaçants et qui eurent pour résultat immédiat de faire sortir les paysans de leurs abris et les enfants de leurs cachettes.
Les fenêtres et les huis s’entrebâillaient laissant apparaître des têtes exprimant plus de curiosité que de crainte…
Le sourire aux lèvres, le visage épanoui de santé et de belle humeur, le chef faisait de bienveillants appels de la main aux villageois qui, revenus de leur grande peur, se rapprochaient de lui, encore hésitants et timorés.
Alors, se dressant sur ses étriers, le cavalier attaqua d’une voix vibrante :
— Eh bien oui, je suis Mandrin, capitaine général des contrebandiers de France.
« Mais, morbleu mes camarades, n’ayez pas une telle crainte ! Je n’en veux pas à vous, pas plus qu’à vos femmes et même à vos volailles. Je ne suis pas l’ennemi du peuple, je suis son défenseur… et je veux le venger des exactions des fermiers généraux.
Voila pourquoi je traque les traitants, les croupiers et les porteurs de contraintes ou tout quidam de cet acabit ; car autant l’impôt est chose sacrée, quand il a pour objet la prospérité et la défense d’un pays, autant il devient une chose inique et révoltante, quand il ne sert qu’à enrichir des faquins.
« Or, on vous vole, on vous pressure, on vous rançonne, on vous ruine, on vous tue !…
« Vous payez le sel douze fois sa valeur et vous n’avez même pas le droit de vous en priver.
« Ceux qui sont surpris avec une livre de faux sel sont condamnés à neuf ans de galère ou pendus, tandis que les intendants qui volent l’or par tonneaux sont honorés, applaudis, et leur richesse est faite de votre misère »
A ces mots, une grande clameur d’allégresse s’éleva de la foule de plus en plus compacte entourant l’orateur.
Ainsi Mandrin, que l’on représentait comme le pire des bandits, chargé de tous les crimes, qui passait pour un voleur, un faux-monnayeur, un assassin toujours prêt au pillage, était, au contraire, le révolté qui se dressait pour la défense des pauvres gens, persécutés par les commis des fermiers, le justicier qu’ils attendaient inconsciemment.
Il n’en fallut pas plus pour les rassurer, les réconforter, leur donner espoir et leur rendre confiance. Lorsque le « capitaine » reprit de sa voix claironnante :
— Ne voyez donc en moi qu’un ami, qu’un frère !… Je ne vous demande qu’une chose, celle de m’indiquer la demeure de l’entreposeur des tabacs.
Un bras se tendit, puis deux, puis dix, puis cent ! vers une maison d’apparence cossue, et qui, entourée d’un jardinet, s’élevait au fond de la place, en face de l’église…
Mandrin, à la tête de ses compagnons, suivi d’un cortège sans cesse grossissant de villageois, se dirigea vers l’habitation où semblait régner la paix la plus absolue.
L’entreposeur des tabacs de Beaujeu, le bonhomme Agénor Malicet ne s’attendait guère à cette visite matinale…
Vautré dans un confortable fauteuil, en face d’une table sur laquelle était ouvert un registre, il paraissait plongé dans de laborieux calculs de comptabilité… En réalité, il dormait.
En effet, en dehors de ses repas, copieux et abondamment arrosés de vins généreux, dormir était son occupation principale.
Soudain, un scribe, aux allures de rat de cave famélique, qui contemplait son maître d’un air irrévérencieux, eut un tressaillement de surprise…
Des poings vigoureux heurtaient la porte… qui s’ouvrait presque aussitôt avec fracas, livrant passage à Mandrin, escorté de plusieurs contrebandiers, portant sur le dos des ballots de tabac.
Le rat de cave, sidéré, disparut derrière un meuble… Sans lui accorder la moindre attention, Mandrin se dirigea vers le bonhomme Malicet, que cet envahissement n’avait pas réveillé, et qui continuait à ronfler bruyamment.
Le « capitaine » posa lourdement sa main d’acier sur l’épaule du receveur ; comme celui-ci hésitait à sortir de sa torpeur, il le secoua rudement ; et Agénor Malicet, éberlué, se décida enfin à entr’ouvrir les paupières.
— Le contenu de ta caisse !… ordonnait le chef des contrebandiers, sur un ton qui fit frémir le bonhomme.
— Man… Mandrin !… articula Malicet d’une voix étouffée.
— Oui, Mandrin… scanda le capitaine.
Et portant la main à la crosse de son pistolet, il ajouta :
— Allons, exécute-toi, car je n’ai pas de temps à perdre.
Malicet jeta autour de lui un regard d’effroi. Son bureau était rempli de contrebandiers aux allures dégagées… et aux mines peu rassurantes… Il ne pouvait compter sur aucun secours de la part de son scribe et de ses autres employés qui, paralysés par la peur, se tenaient cois dans une pièce voisine… Alors, d’un pas incertain il se dirigea vers une grande armoire qui occupait presque entièrement l’un des panneaux de la pièce et introduisit d’une main tremblante une clef dans la serrure.
— Mi-Carême… Carnaval, faites votre besogne commandait Mandrin.
Deux contrebandiers, le premier petit… sec… maigriot… au nez en quart de brie et aux yeux de renard en quête ; le second, un grand gaillard robuste, bien découplé, à la mine éveillée et au nez en trompette, s’avancèrent vers l’infortuné entreposeur.
Mon trésorier… et mon secrétaire, présentait pompeusement le « capitaine » au vieil Agénor livide et frissonnant.
Les deux contrebandiers s’emparèrent rapidement de l’argent que renfermait l’armoire et le firent disparaître dans un coffre.
Alors, Mandrin, qui s’était installé dans le fauteuil du maître de céans, attaquait, toujours souriant, et avec toutes les apparences de la correction la plus parfaite.
— Maintenant, monsieur l’entreposeur, si vous le voulez bien, réglons nos comptes.
— Nos comptes ?… nos comptes ! répétait Malicet en s’approchant rapidement du terrible capitaine.
— Parfaitement, appuyait celui-ci… Combien contenait votre caisse ?
— Trente-sept mille livres.
Mandrin s’empara d’une plume, et d’une écriture large traça ces mots sur un morceau de papier
« Reçu de M. Agénor Malicet la somme de trente sept mille livres, en échange de quoi je lui laisse quatre balles de tabac d’un poids et d’une valeur indéterminés.
« Capitaine Louis MANDRIN ».
Puis il passa le reçu à son interlocuteur qui, après l’avoir parcouru d’un œil effaré, bredouilla piteusement :
— Dieu m’est témoin que j’ai défendu jusqu’au bout les intérêts de Sa Majesté.
Soudain un cri, fait à la fois d’admiration et de surprise, échappait à Mandrin.
Une jeune fille, d’une grâce adorable et dont le charme délicieusement ingénu semblait l’auréoler d’une couronne de lumière, venait d’apparaître sur le seuil et, s’élançant vers le chef des...




