E-Book, Deutsch, 147 Seiten
Bühlmann La Métamorphose du bunker de Zurich
1. Auflage 2024
ISBN: 978-3-7565-8411-6
Verlag: neobooks
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
Le « phénomène du bunker » : Pouvoir, prestige, sucre et fouet
E-Book, Deutsch, 147 Seiten
ISBN: 978-3-7565-8411-6
Verlag: neobooks
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
Andrea Bühlmann est née en 1977 et une experte de la promotion de la santé et de prévention. Grâce à sa expérience pratique dans divers organismes à la jonction entre la science et la politique, elle connaît les processus de formation d'équipe et peut estimer les répercussions de leur déroulement.
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Acte I - Le bunker de Zurich
Le bunker de Zurich est un ba^timent ultramoderne aux grandes baies vitre´es et aux murs nus et gris. Les employe´s viennent juste d’emme´nager dans l’immeuble. A` l’inte´rieur, des locaux administratifs sont dispose´s dans un couloir en forme de fer a` cheval. Tout est transparent, il n’y a aucune intimite´ et l’ensemble est tre`s impersonnel. On ne voit ni plantes ni photos, seulement le mur gris. Les e´crans d’ordinateur sont visibles de partout. A` droite, on peut apercevoir un bureau transparent. Il s’agit de celui de monsieur Soumission. A` gauche, un bureau identique. Il s’agit de celui de monsieur le Dr Kouglof, le chef du premier e´tage. Me^me s’il ne fait que s’asseoir a` son bureau, passer des appels te´le´phoniques et e^tre invite´ de temps a` autre a` une re´union, sa blouse blanche de me´decin est accroche´e a` un cintre comme une peinture au mur. La blouse n’a pas e´te´ utilise´e depuis des anne´es. Mais elle n’est pas pous- sie´reuse pour autant, car monsieur Kouglof la de´poussie`re lui-me^me tous les jours. Au milieu de la sce`ne se trouve un local transparent ou` les employe´s prennent leurs pauses-cafe´. Cette pie`ce est e´galement utilise´e pour les re´unions. Dans le couloir, il y a les bureaux de la Princesse des bols chantants, de madame Pierre l’E´bouriffe´ et de madame Babioles. A` l’arrie`re, on peut voir les bureaux du secre´tariat et des juristes. Monsieur Je´sus, le chef des juristes, y a aussi son propre bureau qu’il peut fermer a` clef.
Les bureaux sont tous transparents et bien visibles pour le public. Au milieu des locaux, il y a une porte qui me`ne a` la cage d’escalier du bunker. C’est par la` que tout le monde entre et sort. Tout le bunker est tre`s tendance mais pas fonctionnel. L’atmosphe`re y est tre`s pesante. Les employe´s n’arrivent plus a` respirer et portent sur leurs e´paules un fardeau dont ils ne peuvent parler. Une secre´taire traverse les locaux a` toute allure et passe tout son temps a` dire qu’elle a beaucoup de travail et qu’elle doit balayer la poussie`re sous le tapis. La secre´taire de direction s’endort presque sur sa chaise. De temps a` autre, elle se remet du vernis sur les ongles.
Lors de l’inauguration, chaque collaborateur a rec¸u une gourde en verre sur laquelle un « logo du bunker » a e´te´ grave´. Les employe´s peuvent la remplir gratuitement a` un distributeur d’eau. Ils emportent leur gourde partout et y boivent de temps a` autre. Parfois, c’est la pagaille. Madame Pierre l’E´bouriffe´ a dessine´ une marque sur la sienne a` toutes fins utiles, mais il lui arrive tout de me^me de se tromper de gourde. Chaque employe´ a e´galement rec¸u un balai avec le « logo du bunker ». Pour le cas ou` il y aurait de la poussie`re a` cacher sous le tapis. A` l’ar- rie`re-plan, on peut distinguer des archives e´lectroniques gigantesques. Tout est archive´ dans le bunker ! Tout est contro^le´ avant l’archivage et peut-e^tre me^me, manipule´ ? Seules les secre´taires ont acce`s a` ces archives. Il faut qu’elles aient elles aussi une occupation. Des dos- siers roses s’accumulent sur les bureaux. Chaque texte, chaque conversation te´le´phonique doit e^tre archive´ dans l’ordinateur et dans le dossier rose. En fait, tous les employe´s ainsi que monsieur Kouglof sont des archivistes, me^me s’ils sont au moins deux fois bac + 3. Les me´decins ont encore le titre ridicule de « docteur en me´decine ». Les personnes avec un diplo^me essayent bien su^r de de´le´guer le maximum de travail d’archivage aux secre´taires. Apre`s tout, personne n’aimerait e^tre archiviste. De plus, ils ont tous aussi e´te´ embauche´s en tant qu’experts ou me^me comme chefs de de´partement. Il faut bien su^r respecter ce niveau hie´rarchique avec les secre´taires. Les employe´s doivent e^tre corrects avec elles. L’e´cart hie´rarchique doit e^tre clair. Au fond, les secre´taires n’ont me^me pas fait d’e´tudes supe´rieures. Et lorsqu’ils leur lancent des remarques condescendantes, les me´decins frustre´s ne s’en rendent me^me plus compte.
Dr Soumission (Il monologue.) :
Monsieur le Dr Kouglof va de plus en plus mal. Il faut que je trouve une solution. J’ai conclu un « pacte diabolique » avec madame le Dr Babioles. J’aimerais qu’elle me succe`de si je reprends le poste de monsieur le Dr Kouglof. Elle n’a pas d’enfants et elle ne doit de´pendre de personne. Cela me permettra de continuer a` utiliser tous les « susucres » dont je me suis servi jusqu’a` pre´sent. E´videmment, madame Pierre l’E´bouriffe´ n’aime pas c¸a. Elle devrait ce´der une part de son temps de travail a` madame Babioles. Cette dernie`re a bien su^r encore cancane´, sinon madame Pierre l’E´bouriffe´ n’aurait rien su avant que le pacte ne soit effectif. De´sormais, aucune des deux n’est motive´e et elles se disputent. Elles n’arrivent pas non plus a` comprendre pourquoi nous avons confie´ la fonction de chef a` la Princesse des bols chantants. Les me´decins ne sont que des collaborateurs scientifiques. Je dois changer c¸a. Il faut de´ja` qu’on voie que ce sont les me´decins qui commandent en interne ! Je vais simplement leur donner un titre de docteur en chef pour qu’elles puissent l’e´crire sur leur carte de visite. C¸a fait bien, c’est repre´sentatif et pas cher. Cela nous permettra de motiver les deux me´decins. Une motivation gratuite ! Je suis ge´nial, un ge´nie !
L fumeur de pipe a` la retraite :Voila`, j’ai fait mon travail. J’ai tout remis a` mon successeur, la Princesse des bols chantants. Je lui ai transmis tous les liens des sites Internet utiles, toutes les adresses e´lectroniques et tous les acce`s aux plates-formes d’informations. C¸a fait bizarre de retrouver sa liberte´ apre`s toutes ces anne´es passe´es dans ce bureau. En fait, j’aimerais bien attiser les discussions sur les initiatives de Bortoluzzi, sur la prise en charge des frais des sou^lards et sur l’ho^tel Suff de la police municipale de Zurich dans les me´dias. Apre`s de nombreuses anne´es de travail de bureau stupide, c¸a aurait enfin e´te´ un sujet qu’on aurait pu aborder dans les me´dias. Depuis l’e´vacuation du parc Platzspitz, je n’ai plus attire´ l’inte´re^t public, je n’ai plus eu aucune demande des me´dias. Du temps du parc Platzspitz, le re´seau fonctionnait, nous sommes sortis en personne – nous pouvions ge´rer activement la situation et l’ame´liorer. On nous employait et on nous montrait la conside´ration ne´cessaire. Mais ces dernie`res anne´es, c¸a a beaucoup change´. De plus, les compe´tences de´cisionnelles dans le secteur social ont e´te´ transfe´re´es a` une autre direction. Depuis, je n’ai plus de droit de veto. Dans la communication, on a aussi change´ le re`glement interne et seuls les attache´s de presse peuvent communiquer des informations aux me´dias, pas les responsables de dossiers. Tous les employe´s doivent signer ce document sur le secret professionnel quand ils sont embauche´s. De cette fac¸on, monsieur Larbin en chef peut tout contro^ler. (Il tend un document a` la Princesse des bols chantants pour qu’elle le signe.)
Le fumeur de pipe a` la retraite (Il lit quelques lignes du document a` voix haute.) :
Le contenu principal du document est le suivant : « Par ma signature, je de´clare laisser entie`rement a` l’attache´ de presse le soin de fournir aux me´dias les renseignements concernant les domaines the´matiques dont je suis responsable. L’employe´ n’a pas le droit de communiquer directement des informations aux me´dias, a` moins d’avoir rec¸u l’autorisation explicite de monsieur Larbin en chef. Toute personne qui enfreindrait ce re`glement pourrait faire l’objet d’un licenciement. »
La Princesse des bols chantants (Elle plisse le front et montre une he´sitation.) :
Cette atmosphe`re et cette servilite´ me gonflent de´ja` apre`s une semaine. On a de´ja` voulu changer l’intitule´ de mon appel d’offre le jour ou` j’ai e´te´ embauche´e. J’ai e´te´ engage´e comme cadre, mais sur ma fiche du personnel, il est e´crit que je suis une collaboratrice scientifique. Il y a six mois, j’ai de´ja` du^ accepter le poste et ensuite, mon titre a e´te´ modifie´ apre`s mon embauche. L’intitule´ de l’emploi e´tait donc juste une strate´gie de marketing servant a` gagner a` bon prix un collaborateur hautement qualifie´. C’est aussi pour cette raison qu’on ne m’a propose´ qu’un temps partiel, un quatre cinquie`me tout de me^me. Ils ont profite´ de ce que j’e´tais au cho^mage et m’ont offert un salaire bien trop bas pour mes qualifications. J’e´tais oblige´e d’accepter, peu importe sous quelles conditions, ils ont profite´ de ma situation. Et maintenant c¸a encore ! J’e´tais de´ja` collaboratrice scientifique les dix dernie`res anne´es ! C’est grotesque ! Le bunker spe´cule sur le fait que le travailleur ne de´missionnera pas s’il a de´ja` refuse´ d’autres offres d’emploi. Ainsi, le bunker peut faire ce qu’il veut ! Et maintenant, il veut encore qu’on ne puisse pas communiquer des informations. Il faut encore qu’on signe ce papier ! C’est tout simplement de la servilite´, on se fiche comple`tement de nous !
Le fumeur de pipe a` la retraite :
Comme je l’ai de´ja` dit, je ne trouve pas non plus que ce re`glement soit une bonne ide´e. Mais on n’a pas le choix. Il faut que tu...