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E-Book, Französisch, 120 Seiten

Gide Amyntas


1. Auflage 2022
ISBN: 978-2-322-42145-9
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark

E-Book, Französisch, 120 Seiten

ISBN: 978-2-322-42145-9
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark



Ce document reproduit les notes prises par Gide lors des séjours successifs qu'il fit en Afrique de 1896 à 1904. On y trouve tel événement notable de la journée, telle image qui a ravi l'auteur, tel parfum qui le troubla ou encore telle réflexion que ses lectures lui inspirèrent.

André Gide est un écrivain français, né le 22 novembre 1869 à Paris 6e et mort le 19 février 1951 à Paris 7e. Il obtient le prix Nobel de littérature en 1947.

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Feuilles de route
MARS-AVRIL 1896 À l’automne d’il y a trois ans, notre arrivée à Tunis fut merveilleuse. C’était encore, bien que déjà très abîmée par les grands boulevards qui la traversent, une ville classique et belle, uniforme harmonieusement, dont les maisons blanchies semblaient s’illuminer au soir, intimement, comme des lampes d’albâtre. Dès qu’on quittait le port français, on ne voyait plus un seul arbre ; on cherchait l’ombre dans les souks, ces grands marchés voûtés ou couverts d’étoffes et de planches ; il n’y pénétrait plus qu’une lumière réfléchie les emplissant d’une atmosphère spéciale ; ces souks paraissaient, souterraine, une seconde ville dans la ville, – et vastes à peu près comme un tiers de Tunis. – Du haut de la terrasse où P. L. allait peindre, on ne voyait jusqu’à la mer qu’un escalier de blanches terrasses coupées de cours comme des fosses où s’étirait l’ennui des femmes. Au soir, tout le blanc était mauve et le ciel était couleur de rose thé ; au matin, le blanc devenait rose sur un ciel légèrement violet. – Mais après les pluies de l’hiver, les murs végètent ; des mousses vertes les couvrent et le bord des terrasses semble celui d’une corbeille de fleurs. J’ai regretté la blanche, sérieuse, classique Tunis de l’automne, qui me faisait penser, le soir, errant dans ses rues régulières, à l’Hélène du second Faust, ou à Psyché, « la lampe d’agate à la main », errant dans une allée de sépultures. On plante des arbres dans les rues larges et sur les places. Tunis en sera plus charmante, mais rien ne la pouvait autant défigurer. Il y a deux ans, la rue Marr, la place des Moutons étaient encore telles qu’on ne s’y savait où transporté, et que l’Orient le plus extrême, l’Afrique la plus secrète n’eussent pas eu, je crois, goût d’étrange plus stupéfiant. Une forme de vie différente et que tout réalise au-dehors, très pleine, antique, classique, établie ; pas de compromis encore entre les civilisations de l’Orient et la nôtre qui paraît laide surtout quand elle veut réparer. – Des plaques de tôle ou des feuilles de zinc remplacent peu à peu les claies de roseau, toitures des souks, et des réverbères répartissent par sursauts la lumière, sur les murs où naguère l’égale clarté des nuits s’épandait, – sur cette grande place des Moutons, sans trottoirs, silencieuse, merveilleuse, où, il y a deux ans, dans la tiédeur des nuits de pleine lune, auprès des troupeaux de chameaux, des Arabes venaient dormir. – On a fait des trottoirs dans les souks. De l’une des plus belles allées, la base des colonnettes qui soutiennent la voûte est enfouie. Des colonnettes torses, vert et rouge, au chapiteau massif ouvragé. La voûte est blanc de chaux, mais à peine éclairée. Même par les plus splendides journées, ces souks sont toujours demi-sombres. L’entrée des souks est merveilleuse ; je ne parle point du portique de la mosquée, mais de cette autre entrée, étroite, retirée – abritée par un jujubier qui se penche et fait un préambule d’ombre à la petite allée ténébreuse, tournant court et qu’aussitôt l’on perd de vue. Mais le jujubier, couvert de feuilles à l’automne, n’en a pas encore au printemps. – C’est le souk des selliers qui commence ; l’allée tourne, puis interminablement continue. Au souk des parfums, Sadouk-Anoun est toujours assis en savetier dans sa boutique, petite comme une niche, au plancher à hauteur d’appui, encombrée de fioles ; mais les parfums qu’il vend sont aujourd’hui falsifiés. J’ai donné à P. V., en rentrant à Paris, les deux derniers flacons authentiques, que j’ai vu Sadouk-Anoun lui-même remplir avec une pipette, d’essence de pomme et, goutte à goutte, d’ambre précieux. Il ne les entoure plus aujourd’hui, demi-pleins d’une marchandise plus commune, si minutieusement de cire vierge et de fil blanc, et ne me les fait plus payer si cher. Il y a trois ans, sa minutie nous amusait ; elle semblait donner du prix aux choses. À chaque enveloppe surajoutée, le parfum devenait plus rare. Enfin, nous l’arrêtâmes ; notre bourse n’y eût pas suffi. – J’ai vainement aussi cherché ce café sombre, où ne venaient que les grands nègres du Soudan. Certains avaient l’orteil coupé en signe de servitude. Ils portaient, la plupart, piquée sous leur turban, une petite touffe de fleurs blanches, de jasmins odorants ; cette touffe revient contre la joue comme une boucle de cheveux romantique et donne à leur visage l’expression d’une langueur voluptueuse. Ils aiment le parfum des fleurs tellement que parfois, ne les respirant ainsi pas assez fortement à leur gré, ils en entrent des pétales froissés dans leurs narines. – Dans ce café, l’un d’eux chantait, un autre contait des histoires ; et des colombes voletaient et se posaient sur leurs épaules.   Tunis, 7 mars. Des petits enfants voient cela, rient, se répètent les obscènes mimiques de Caracous[1]. – Difficile gymnastique de l’esprit : qu’il se réforme jusqu’à retrouver cela naturel… Le public d’enfants, rien que d’enfants, la plupart tout petits, qu’en pense-t-il ? Les Français ne vont pas là ; ils ne savent pas y aller ; ce sont de petites boutiques sans aspect ; on s’y faufile par une porte basse. Les Français vont régulièrement à des paradeurs à côté, qui font grand train et n’attirent que des touristes ; les Arabes savent à quoi s’en tenir et que c’est vraiment peu de chose, ce cheval de carton, qui danse, ce chameau de bois et d’étoffe, qui danse aussi, très drôlement certes, mais d’une manière toute foraine. Il y a là, auprès, une boutique de Caracous traditionnelle, classique, simple, on ne peut plus simple, d’une convention scénique admirable, – où Caracous se cache au milieu de la scène, entre deux gendarmes qui le cherchent, simplement parce qu’il baisse la tête et ne peut plus les voir ; – et les enfants acceptent, comprennent et rient.   Caracous. – Petite salle longue, boutique-échoppe dans la journée, que le soir on défonce ; une petite scène, au rideau de transparente toile, s’établit au fond pour les ombres. Perpendiculaires à la scène, deux bancs le long des murs. Là sont les places de faveur. Le milieu de la salle s’emplit d’enfants très jeunes qui s’assoient à terre et se bousculent. On mange quantité de graines de melon séchées dans du sel, friandise si provocante que ma poche chaque soir s’en vide, qu’au matin pour deux sous j’ai remplie. Il est vrai que j’en donne aux enfants. L’amusant ici, ce sont ces niches dans le mur, sortes de très incommodes couchettes, de nids d’hirondelles de mer, où l’on ne grimpe qu’à la force des bras et d’où l’on ne descend pas – d’où l’on tombe, – qui ne se louent que pour tout le soir, à de jeunes aficionados. Ici je suis revenu bien des soirs ; c’était presque toujours le même public, aux mêmes places, écoutant les mêmes pièces, et riant aux mêmes endroits – comme moi.   Caracous. – Autre boutique ; des Soudanais. Où sont les Soudanais, les Arabes ne vont pas volontiers. Donc ici l’on ne voit que des nègres. Mais ce soir j’y retrouve aussi mon ami R. La pièce n’est pas commencée. (Les entr’actes sont toujours beaucoup plus longs que la pièce ; celle-ci ne dure pas un quart d’heure.) Un nègre secoue des crotales, un autre tape sur un tambour oblong, et le troisième, énorme, se dodeline et se trémousse devant R. ; presque assis à nos pieds, il chante, improvisant une complainte monotone, où il est dit, autant que je peux le comprendre, qu’il est très pauvre, que R. est très riche et que les nègres ont toujours besoin d’argent. Et comme il a l’air un peu féroce et que les Arabes prétendent que ni au chameau, ni au nègre, ni au désert l’on ne peut se fier longtemps, nous ne tardons pas à devenir très charitables.   Caracous. – Autre boutique. Ici la pièce n’est que le prétexte des rendez-vous. Toujours les mêmes habitués, de soir en soir, sous l’œil bienveillant du patron. Un enfant étrangement beau joue de la cornemuse : on se rassemble autour de lui ; les autres sont ses galants. L’un joue de ce bizarre tambour en forme de vase, dont le fond est en peau d’âne. Lui, le joueur de cornemuse, fait la fortune du café, semble sourire à tous et ne favoriser aucun. Certains lui récitent des vers, les chantent ; il y répond, s’approche, mais tout se borne, je crois, à quelques flatteries devant tous ; cette boutique n’est pas un bouge, c’est plutôt une cour d’amour. Parfois un se lève et danse, parfois deux ; la danse devient alors une sorte de mimique assez libre. La pièce, ailleurs tout comme ici, reste presque toujours obscène. Je voudrais savoir l’histoire du Caracous. Il doit être très vieux. On m’a dit qu’il venait de Constantinople et que partout ailleurs qu’à Constantinople et Tunis, la police aurait interdit sa montée sur les scènes ; il ne se voit qu’en temps de Rhamadan. On jeûne durant quarante jours du lever du soleil jusqu’au soir ; jeûne absolu ; ni nourriture, ni boisson, ni tabac, ni parfums, ni femmes. Tous les sens, châtiés le jour, la nuit prennent une revanche, et l’on s’amuse tant qu’on peut. Il est certes aussi des Arabes très religieux, dont la nuit de Rhamadan, après un repas très frugal, se passe en méditations et en prières ; comme il en est d’autres aussi qui continuent de s’amuser même le jour ; mais cela n’est fréquent que dans...



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