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E-Book, Französisch, 104 Seiten

Perrin Dédé vous salue bien !

Récit d'une jeunesse française
1. Auflage 2018
ISBN: 978-2-322-12441-1
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark

Récit d'une jeunesse française

E-Book, Französisch, 104 Seiten

ISBN: 978-2-322-12441-1
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark



Ce récit de jeunesse de 1918 à 1948 montre combien les familles françaises furent marquées par les deux guerres mondiales, à l'exemple du parcours chaotique de Dédé le parisien, jeune garçon, adolescent puis jeune adulte entraîné par les évènements de l'époque. Un récit poignant et non dénué d'humour, anecdotique mais dont l'empreinte se révèle sensible et le message universel. Une histoire vraie.

Administrateur honoraire de l'Insee, ancien Directeur régional, bibliophile et collectionneur, auteur de récits familiaux, de nouvelles, de contes et d'études historiques.
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III



Je n’ai jamais aimé quelqu’un comme ma mère. Je me suis toujours posé la question de la réciprocité de ce sentiment. J’ai eu le désespoir chevillé à l’âme d’avoir, si jeune, été abandonné d’elle, de n’être dans la somme de ses malheurs, qu’un parmi les autres. Je sais bien maintenant qu’elle n’eut aucun pouvoir de décision, ballottée comme nous par les autorités sanitaires. Mais à neuf ans on a des raisonnements plus simples.

J’ai un beau portrait photographique d’elle avec sa sœur. Elles sont debout derrière leurs deux parents assis. En arrière plan des arbustes, en contrebas peut-être une rivière ou bien un étang. C’est une sortie à la campagne. Le cliché si net, si naturel, doit dater des années 1908 ou 1909. Son père, Achille-Hippolyte Ménager, est le seul à regarder l’objectif. Sa physionomie est sympathique, son clair regard semble chaleureux. Je ne l’ai pas connu puisqu’il est mort en 1911. Je trouve que je lui ressemble assez.

Là encore, c’est mon fiston qui connaît l’histoire des Ménager. Mon grand-père était né en 1857. Son grand-père avait une petite briqueterie-tuilerie dans le Loir-et-Cher. Son père était cadet et vint à Paris après la guerre de soixante-dix. Il s’installa comme marchand de vin et épicier rue Cambronne. Achille, lui, commença dans la boulange et s’établit aussi rue de Cambronne. Mais s’il n’avait pas le sens des affaires, il avait la passion des lettres et, changeant totalement de métier, il lança au même endroit une imprimerie. Il finira sa vie comme simple employé linotypiste à la ville de Paris, en 1911. Ses aventures entrepreneuriales avaient peu marché mais, lui et Léonie avaient élevé leurs trois enfants en leur donnant une bonne éducation, dans un milieu petit bourgeois assez heureux.

Mémé Loénie, l’autre personnage assis sur le cliché, regarde vers sa gauche. Elle a une allure un peu renfrognée. On sent la maîtresse femme. Marquée durement par la vie avec son marmaillon mort tragiquement au nouveau monde. J’y reviendrai vite. Son père qui a mis tant de temps à la reconnaître, après même son mariage à elle, ce qui explique qu’elle conserva le nom de sa mère, celui du grognard que l’Empereur avait décoré pendant la campagne de France. J’ai dit que la généalogie ne m’intéressait pas outre mesure mais j’ai été heureux que mon fils exhume de mon vivant cet ancêtre de la vieille garde. Le gaillard, soldat de l’an II, de ceux qui prirent les armes en quatre-vingt-douze et dont me revient la strophe du grand Totor :

Et le nôtre continua l’aventure jusqu’à Waterloo avec le bataillon des six-cents de l’île d’Elbe, caporal de la vieille garde à qui l’Empereur remit la croix. J’ai comme lui, étant jeune, traversé la Bochie en long et en large. Lui était conquérant, moi j’étais prisonnier. Tous les deux nous étions à pieds. À la guerre quand t’es pas gagnant t’es paumé. Surtout moi qui n’ai jamais eu le sens de l’orientation.

Revenons au cliché de la belle époque. Debout, les deux filles. J’y viens mais je finis d’abord avec la Léonie. Ses parents vécurent maritalement pour une raison trouble. Peut-être que l’arrière grand-père avait une femme quittée dont il fallut attendre la mort pour légaliser la situation ? On ne sait. C’est après mon trépas que le fiston a trouvé son histoire, ses ascendances prestigieuses qui lui donnent du sang capétien, carolingien et même mérovingien. Pas plus que l’ancêtre, je ne l’ai su. Même si cela me fait une belle jambe, je pense que lui et moi on s’en serait foutu… royalement. Du moins cela m’aurait permis sans remord de mépriser un peu plus ceux qui affichent sur le commun des mortels leur morgue prétentieuse.

Maman et sa sœur regardent vers leur droite. Ma tante Camille avait treize ans de plus que maman. Cela ne se voit pas. Elles font bien jeunes toutes les deux alors que leurs parents font si vieux. Camille est mariée depuis 1901 avec l’oncle Lucien, un graveur sur métaux dont le père est rentier. Lui et ses parents habitaient le même immeuble de la rue Cambronne que sa future. Ils se marièrent en 1901. La brune et tendre Camille. Je les ai bien connu tous les deux et nous allions les voir avec mes parents avenue de Suffren où ils habitaient alors. Ils n’ont pas eu d’enfant et passèrent leur retraite paisible dans l’Yonne jusqu’après la guerre. Je me suis toujours demandé qui avait hérité d’eux. La République sans doute, foutue dévoreuse des patrimoines.

Je pense que c’est l’oncle Lucien qui prend la photo de la famille Ménager. Sans le fils, Gaston, le célèbre Gaston, celui dont on parlait comme du héros malheureux. Il manque sur la photo, et pour cause, il est passé en 1904 au Canada. On garde de lui un beau portrait photographique fait à New-York, chez Scherer, peu de temps auparavant. Quel air superbe, la mèche bien arrangée, la fine moustache, cravate et veste de luxe, le regard fier et conquérant.

Au Canada, il était associé à la maison de fourrures Revillon. C’est d’ailleurs dans cette même maison, à Paris, que travaillait aussi ma tante Jeanne au moment de son mariage. Gaston aurait joué un rôle majeur dans l’expansion du commerce des fourrures dans le grand nord canadien au profit de l’entreprise française au début du vingtième siècle. Il marche alors sur les pieds de la compagnie anglaise de la baie d’Hudson, sa grande rivale, qui jusque là y avait établie son monopole. Et, selon maman, c’est un trappeur à la solde des anglais qui le trucida à coups de couteau. Le marlou, bien plus tard, mourant, avoua son crime à un prêtre français. C’est ce dernier qui devait le révéler aux parents du tonton. Les représentants de la maison Revillon s’empressèrent de faire signer un papier au parents de Gaston, reprenant tous ses biens au Canada, peu d’après eux, en échange du rapatriement du corps et des effets personnels. Ils signèrent bien sûr les pauvres vieux accablés par le malheur. Le cercueil de plomb fut enterré dans le cimetière de Bagneux où nous allions en promenade. Moi, tout moutard, j’ai joué avec un carquois et une coiffe d’indien. D’après maman, Gaston avait au moins un comptoir en propre. Mais qu’y-a-t-il de vrai dans tout ça ?

Dans les mémoires de Victor Révillon, le boss de l’époque, ce dernier donne un rôle méprisable à Gaston. D’après lui, la réussite sociale lui aurait tourné la tête. Il insiste même sur l’extraction modeste. Et toi patate ! Que j’ai envie de lui retourner. Il accuse le tonton d’être responsable de la mort d’un équipage non secouru à temps, là bas, dans le grand Nord, sur la banquise, après un naufrage. Il conclut que le Gastounet en est mort de honte. Un peu gros. Alors, pourquoi faire signer les parents, ramener le corps à grands frais ? Bon, je ne saurai jamais le fin mot de l’histoire mais je garde l’oncle Gaston au minuscule panthéon de mes gloires humaines. Moi, j’ai souvent rêvé au grand nord avec les indiens mes amis. Je devenais leur chef en revêtant la coiffe de plume des affaires de tonton. Et on allait taper sur la gueule des Britons. Un grand nord tout blanc où il ne faisait pas froid. Un rêve de gosse quoi.

Voilà pour l’oncle d’Amérique. Le dernier personnage de la famille maternelle que j’ai connu était la tante Clémentine, la plus jeune sœur du grand-père Ménager et marraine de maman. On allait la voir dans un immeuble que son mari possédait rue de Trévise dans le neuvième. Un curieux couple. Lui s’était enrichi en faisant trois mariages avantageux avec de riches veuves. Il avait d’abord épousé la tante, toute jeune, puis ils avaient divorcé. Ensuite viennent les mariages lucratifs, toujours assez rapides et conclus dans le veuvage. Il ne s’appelait...



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