E-Book, Französisch, Band 2/9, 132 Seiten
Rimski-Korsakov Ma vie musicale
1. Auflage 2021
ISBN: 978-2-322-41459-8
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
l'autobiographie de Rimski-Korsakov
E-Book, Französisch, Band 2/9, 132 Seiten
Reihe: mémoires et écrits de compositeurs
ISBN: 978-2-322-41459-8
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
Nikolaï Rimski-Korsakov (Nikolai Rimsky-Korsakov) né le 6 mars 1844 (18 mars 1844 dans le calendrier grégorien) à Tikhvine et mort le 8 juin 1908 (21 juin 1908 dans le calendrier grégorien) à Lioubensk, fut avec Tchaïkovski l'un des plus grands compositeurs russes de la seconde moitié du xixe siècle. Il fit partie du « Groupe des Cinq » et fut professeur de musique, d'harmonie et d'orchestration au conservatoire de Saint-Pétersbourg. Il est particulièrement connu et apprécié pour son utilisation de thèmes extraits du folklore populaire ou des contes, ainsi que pour ses remarquables talents en orchestration, qui lui valent souvent le titre de « magicien de l'orchestre ». Il eut une influence importante sur la plupart des compositeurs russes, mais aussi étrangers, de la fin du xixe siècle au début du xxe siècle. Ses oeuvres les plus emblématiques sont Schéhérazade, Capriccio espagnol, La Grande Pâque russe, Le Coq d'or, La Légende de la ville invisible de Kitège et de la demoiselle Fevronia et Le Vol du bourdon.
Autoren/Hrsg.
Weitere Infos & Material
CHAPITRE PREMIER
Balakirev et son groupe. César Cui, Moussorgsky, Borodine. Mon entrée dans ce groupe. (1861-1862)
BALAKIREV a produit sur moi une forte impression dès notre première rencontre. Excellent pianiste, jouant tout par coeur, il avait des pensées hardies et neuves et un talent de compositeur que je vénérais.
A notre première entrevue, on lui montra mon en «Ut min.»; il approuva après quelques remarques. On lui fit entendre mon nocturne et des fragments de symphonie. Il exigea que je me misse sans tarder à la composition de la symphonie. Je fus transporté de joie.
Je rencontrai chez lui Cui et Moussorgsky dont j'avais seulement entendu parler par Canillet.
Balakirev instrumentait alors pour Cui l'ouverture du . Avec quel enthousiasme j'assistais à ces débats sur l'instrumentation, la vocalisation, etc. On joua également à quatre mains l' en «» de Moussorgsky qui me plut. Je ne me souviens plus quel morceau de lui joua Balakirev; je crois que c'était le dernier entr'acte du . Puis, ce furent des conversations sur les questions musicales du jour. Je me suis trouvé plongé du coup dans un monde nouveau de vrais musiciens de talent dont j'avais jusqu'ici seulement entendu parler par des camarades dilettanti. L'impression était réellement très forte.
Chaque samedi soir des mois de novembre et décembre, je me rendais aux réceptions de Balakirev où venaient fréquemment Moussorgsky et Cui. C'est chez lui également que je fis connaissance de V. V. Stassov. Je me souviens qu'au cours d'un de ces soirs, Stassov nous lut des fragments de l'Odyssée en visant surtout l'instruction de ma personnalité.
Balakirev, seul ou à quatre mains avec Moussorgsky, jouait des symphonies de Schumann, des quators de Beethoven; Moussorgsky chantait des morceaux de notamment la scène de Farlaf et de la Naïna.
Autant que je m'en souviens, Balakirev composait alors un pour piano, dont il nous jouait des fragments. Il m'expliquait souvent la forme des compositions et leur instrumentation. C'était tout nouveau pour moi. Les goûts de son groupe allaient vers Glinka, Schumann et le dernier quator de Beethoven. Huit des symphonies de celui-ci n'étaient que médiocrement prisées par le groupe; Mendelssohn, sauf son ouverture du et le , était peu estimé. Mozart et Haydn étaient considérés comme vieillis et naïfs; Sébastien Bach passait pour pétrifié ou tout simplement pour une nature musicale morte, sans sentiment, produisant comme une machine. Hændel, par contre, était, à leurs yeux, une nature puissante. Chopin était comparé par Balakirev à une mondaine nerveuse. Le commencement de sa (en «si Bém. min.») l'enchantait, mais la suite ne valait rien à ses yeux; certaines de ses mazurkas plaisaient, mais la plupart de ses productions étaient seulement considérées comme de la fine dentelle. Berlioz, qu'on commençait à connaître, était très apprécié. Liszt était encore mal connu et déjà on le jugeait comme musicalement corrompu et parfois même caricatural. On parlait peu de Wagner.
L'attitude envers les compositeurs russes était la suivante: on estimait Dargomijsky pour la partie de la contenant des récitatifs; ses fantaisies orchestrales passaient seulement pour une originalité, tandis que les romances et étaient fort prisées. (Son opéra n'était pas encore écrit). En général, on lui refusait un talent exceptionnel et on le traitait avec une nuance d'ironie. Lvov était jugé nul; Rubinstein ne jouissait que d'une réputation de pianiste, sans talent ni goût comme compositeur. Sérov n'avait pas encore commencé à cette époque sa et l'on n'en parlait pas.
Je buvais avec avidité toutes ces opinions et, sans raisonnement ni contrôle, je me pénétrais des goûts de Balakirev, Cui et Moussorgsky. A vrai dire, beaucoup de ces opinions étaient des arrêts sans preuve, car le plus souvent, on ne jouait devant moi les oeuvres des autres qu'en fragments et je n'avais pu me faire un jugement sur l'ensemble; certaines me restaient même totalement inconnues. Néanmoins, j'adoptais de confiance et avec enthousiasme ces arrêts et j'en parlais avec une ferme conviction à mes anciens compagnons amateurs de musique.
Balakirev s'attacha fortement à moi, m'affirmant que je prenais dans son affection la place de Goussakovsky sur lequel on fondait de grands espoirs et qui voyageait à cette époque à l'étranger. Si Balakirev m'aimait comme un fils et un élève, j'étais, moi, tout épris de lui. A mes yeux, son talent dépassait toutes les limites du possible et chacune de ses paroles m'apparaissait comme la vérité absolue.
Je n'éprouvais certes pas le même sentiment pour Cui et Moussorgsky; mais mon admiration et mon attachement pour eux étaient très grands.
Sur le conseil de Balakirev, je me mis à la composition de la première partie de la symphonie en «», d'après les brouillons que je possédais. Le prélude et le développement des thèmes subissaient de sensibles corrections de la main de Balakirev, et je retravaillais le tout avec zèle.
Pendant les fêtes de Noël, je me rendis chez mes parents à Tikhvine et j'y achevai toute la première partie, qui fut ensuite approuvée par Balakirev presque sans correction. La première tentative pour instrumenter cette partie me fut difficile, et Balakirev instrumenta pour moi la première page du prélude; dès lors mon travail avança plus vite. Balakirev et les autres affirmèrent même que je montrais des dispositions pour l'instrumentation.
Durant l'hiver et le printemps de 1862, je composai le scherzo (sans trio) pour ma symphonie, ainsi que le finale qui plut particulièrement à Balakirev et à Cui. Je crois me souvenir que ce finale fut composé sous l'influence de l'Allegro symphonique de Cui qu'on jouait à ce moment chez Balakirev. J'avais composé le principal thème de ce finale en wagon, lorsqu'à la fin de mars, je revenais de Tikhvine à Saint-Pétersbourg avec mon oncle Pierre.
Je n'ai pu connaître et aimer réellement la musique qu'à Saint-Pétersbourg, où j'ai entendu de la musique, exécutée d'une façon convenable, même en écoutant des opéras comme . Mais ma vraie affection pour l'art n'a commencé qu'après l'audition de .
Le premier musicien et virtuose sérieux que j'aie connu était Canillet. Je lui suis profondément reconnaissant pour le développement de mon goût et la culture initiale de mes facultés de composition. Mais je lui reproche d'avoir peu soigné ma technique du piano, et négligé de me préparer aux études d'harmonie et de contrepoint. Les leçons d'harmonisation des chorals qu'il m'avait proposées avaient bientôt cessé; en effet, en corrigeant mes écrits, il ne m'enseignait pas les procédés élémentaires d'harmonisation, de sorte que, en résolvant mes problèmes à tâtons, je finis par m'en dégoûter. En travaillant chez Canillet, je ne connaissais même pas la dénomination des principaux accords, et pourtant je me piquais de composer des nocturnes, des variations, etc. C'est ainsi que, malgré mon goût grandissant pour la musique, j'étais à peine un dilettante lorsque je fis la connaissance du groupe de Balakirev.
C'est dans ces conditions, après des essais de dilettante par la technique, mais sérieux quant au style et au goût musical, qu'on m'incitait à la composition d'une symphonie. Balakirev, qui n'avait jamais fait aucune étude systématique de l'harmonie et du contrepoint, qu'il avait même totalement dédaignés, ne reconnaissait sans doute pas l'utilité d'une pareille occupation. Grâce à son talent naturel, son habileté de pianiste, le milieu musical dans une maison artiste où il avait dirigé un orchestre privé, il s'était du coup formé en véritable artiste praticien. Étonnant déchiffreur, incomparable improvisateur, doué d'un sentiment inné , il possédait la technique de la composition, partie don naturel, partie acquisition de l'expérience personnelle. Il avait, et la science du contrepoint, et celle de l'orchestration, et le sentiment de la forme, en un mot, tout ce qui est exigé du compositeur. Tout cela, il l'avait acquis par une énorme érudition musicale et une...