E-Book, Französisch, 114 Seiten
Sade Les crimes de l'amour
1. Auflage 2022
ISBN: 978-2-322-46567-5
Verlag: BoD - Books on Demand
Format: EPUB
Kopierschutz: 6 - ePub Watermark
un questionnement subversif du Marquis de Sade sur le rapport entre le corps et la création
E-Book, Französisch, 114 Seiten
ISBN: 978-2-322-46567-5
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Donatien Alphonse François de Sade, né le 2 juin 1740 à Paris et mort le 2 décembre 1814 à Charenton-Saint-Maurice, aujourd'hui Saint-Maurice dans le Val-de-Marne, est un homme de lettres, romancier, philosophe, longtemps voué à l'anathème en raison de la part accordée dans son oeuvre à l'érotisme et à la pornographie, associés à des actes de violence et de cruauté (tortures, incestes, viols, pédophilie, meurtres, etc.). L'expression d'un athéisme anticlérical virulent est l'un des thèmes les plus récurrents de ses écrits.
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IDÉE
SUR LES ROMANS
n appelle roman, l'ouvrage fabuleux composé d'après les plus singulières aventures de la vie des hommes.
Mais pourquoi ce genre d'ouvrage porte-t-il le nom de roman?
Chez quel peuple devons-nous en chercher la source, quels sont les plus célèbres?
Et quelles sont, enfin, les règles qu'il faut suivre pour arriver à la perfection de l'art de l'écrire?
Voilà les trois questions que nous nous proposons de traiter; commençons par l'étymologie du mot.
Rien ne nous apprenant le nom de cette composition chez les peuples de l'antiquité, nous ne devons, ce me semble, nous attacher qu'à découvrir par quel motif elle porta chez nous celui que nous lui donnons encore.
La langue Romane était comme on le sait, un mélange de l'idiome celtique et latin, en usage sous les deux premières races de nos rois, il est assez raisonnable de croire que les ouvrages du genre dont nous parlons, composés dans cette langue, durent en porter le nom, et l'on put dire une romane, pour exprimer l'ouvrage où il s'agissait d'aventures amoureuses, comme on a dit une romance pour parler des complaintes du même genre. En vain chercherait-on une étymologie différente à ce mot; le bon sens n'en offrant aucune autre, il paraît simple d'adopter celle-là.
Passons donc à la seconde question.
Chez quel peuple devons-nous trouver la source de ces sortes d'ouvrages, et quels sont les plus célèbres?
L'opinion commune croit la découvrir chez les Grecs; elle passa de là chez les Mores, d'où les Espagnols la prirent pour99 la transmettre ensuite à nos troubadours, de qui nos romanciers de chevalerie la reçurent.
Quoique je respecte cette filiation, et que je m'y soumette quelquefois, je suis loin cependant de l'adopter rigoureusement; n'est-elle pas en effet bien difficile dans des siècles où les voyages étaient si peu connus, et les communications si interrompues; il est des modes, des usages, des goûts qui ne se transmettent point; inhérents à tous les hommes, ils naissent naturellement avec eux: partout où ils existent, se retrouvent des traces inévitables de ces goûts, de ces usages et de ces modes.
N'en doutons point, ce fut dans les contrées qui, les premières reconnurent des Dieux, que les romans prirent leur source, et par conséquent en Égypte, berceau certain de tous les cultes; à peine les hommes eurent-ils soupçonné des êtres immortels, qu'ils les firent agir et parler; dès lors, voilà des métamorphoses, des fables, des paraboles, des romans; en un mot voilà des ouvrages de fictions, dès que la fiction s'empare de l'esprit des hommes. Voilà des livres100 fabuleux, dès qu'il est question de chimères; quand les peuples, d'abord guidés par des prêtres, après s'être égorgés pour leurs fantastiques divinités, s'arment enfin pour leur rois ou pour leur patrie, l'hommage offert à l'héroïsme, balance celui de la superstition; non-seulement on met, très-sagement alors, les héros à la place des Dieux, mais on chante les enfants de Mars comme on avait célébré ceux du ciel; on ajoute aux grandes actions de leur vie, ou, las de s'entretenir d'eux, on crée des personnages qui leur ressemblent... qui les surpassent, et bientôt de nouveaux romans paraissent, plus vraisemblables sans doute, et bien plus faits pour l'homme que ceux qui n'ont célébré que des fantômes. Hercule,[ grand capitaine, dut vaillamment combattre ses ennemis, voilà le héros et l'histoire; Hercule détruisant des101 monstres, pourfendant des géants, voilà le Dieu... la fable et l'origine de la superstition; mais de la superstition raisonnable, puisque celle-ci n'a pour base que la récompense de l'héroïsme, la reconnaissance due aux libérateurs d'une nation, au lieu que celle qui forge des êtres incréés, et jamais aperçus, n'a que la crainte, l'espérance, et le dérèglement d'esprit pour motifs. Chaque peuple eut donc ses Dieux, ses demi-dieux, ses héros, ses véritables histoires et ses fables; quelque chose comme on vient de le voir, put être vrai dans ce qui concernait les héros; tout fut controuvé, tout fut fabuleux dans le reste, tout fut ouvrage d'invention, tout fut roman, parce que les Dieux ne parlèrent que par l'organe des hommes, qui plus ou moins intéressés à ce ridicule artifice, ne manquèrent pas de composer le langage des fantômes de leur esprit, de tout ce qu'ils imaginèrent de plus fait pour séduire ou pour effrayer, et par conséquent de plus fabuleux; «c'est une opinion reçue, (dit le savant Huet) que le nom de roman se donnait autrefois aux histoires, et qu'il s'appliqua depuis aux fictions, ce qui est un102 témoignage invincible que les uns sont venus des autres.»
Il y eut donc des romans écrits dans toutes les langues, chez toutes les nations, dont le style et les faits se trouvèrent calqués, et sur les mœurs nationales, et sur les opinions reçues par ces nations.
L'homme est sujet à deux faiblesses qui tiennent à son existence, qui la caractérisent. Partout il faut qu'il prie, partout il faut qu'il aime; et voilà la base de tous les romans; il en a fait pour peindre les êtres qu'il implorait, il en a fait pour célébrer ceux qu'il aimait. Les premiers, dictés par la terreur ou l'espoir, durent être sombres, gigantesques, pleins de mensonges et de fictions, tels sont ceux qu'Esdras composa durant la captivité de Babylone. Les seconds, remplis de délicatesse et de sentiment, tel est celui de Théagène et de Chariclée, par Héliodore; mais comme l'homme pria, comme il aima partout, sur tous les points du globe qu'il habita, il y eut des romans, c'est-à-dire des ouvrages de fictions qui, tantôt peignirent les objets fabuleux de son culte, tantôt ceux plus réels de son amour.
Il ne faut donc pas s'attacher à trouver la source de ce genre d'écrire, chez telle ou telle nation de préférence; on doit se persuader par ce qui vient d'être dit, que toutes l'ont plus ou moins employé, en raison du plus ou moins de penchant qu'elles ont éprouvé, soit à l'amour, soit à la superstition.
Un coup d'œil rapide maintenant sur les nations qui ont le plus accueilli ces ouvrages mêmes, et sur ceux qui les ont composés; amenons le fil jusqu'à nous, pour mettre nos lecteurs à même d'établir quelques idées de comparaison.
Aristide de Milet est le plus ancien romancier dont l'antiquité parle; mais ses ouvrages n'existent plus. Nous savons seulement qu'on nommait ses contes, les Milésiaques; un trait de la préface de l'âne d'or, semble prouver que les productions d'Aristide étaient licencieuses, je vais écrire dans ce genre, dit Apulée en commençant son âne d'or.
Antoine Diogène, contemporain d'Alexandre, écrivit d'un style plus châtié les amours de Dinias et de Dercillis, roman plein de fictions, de sortilèges, de voyages et d'aventures fort extraordinaires, que le Seurre104 copia en dans un petit ouvrage plus singulier encore; car non content de faire comme Diogène voyager ses héros dans des pays connus, il les promène tantôt dans la lune, et tantôt dans les enfers.
Viennent ensuite les aventures de Sinonis et de Rhodanis, par Jamblique; les amours de Théagène et de Chariclée, que nous venons de citer; la Cyropédie, de Xénophon; les amours de Daphnis et Chloé, de Longus; ceux d'Ismène, et beaucoup d'autres, ou traduits, ou totalement oubliés de nos jours.
Les Romains plus portés à la critique, à la méchanceté qu'à l'amour ou qu'à la prière, se contentèrent de quelques satyres, telle que celles de Pétrone et de Varron, qu'il faudrait bien se garder de classer au nombre des romans.
Les Gaulois, plus près de ces deux faiblesses, eurent leurs bardes qu'on peut regarder comme les premiers romanciers de la partie de l'Europe que nous habitons aujourd'hui. La profession de ces bardes, dit Lucain, était d'écrire en vers, les actions immortelles des héros de leur nation, et de les chanter au son d'un instrument qui ressemblait à la105 lyre; bien peu de ces ouvrages sont connus de nos jours. Nous eûmes ensuite, les faits et gestes de Charles-le-Grand, attribués à l'archevêque Turpin, et tous les romans de la Table ronde, les Tristan, les Lancelot du lac, les Perce-Forêts, tous écrits dans la vue d'immortaliser des héros connus, ou d'en inventer d'après ceux-là qui, parés par l'imagination, les surpassassent en merveilles; mais quelle distance de ces ouvrages longs, ennuyeux, empestés de superstition, aux romans grecs qui les avaient précédés! Quelle barbarie, quelle grossièreté succédaient aux romans pleins de goût et d'agréables fictions, dont les Grecs nous avaient donné les...